WYDZIAEY POLITECHNICZNE. KRAKOW BIBLIOTEKA GLOWNA InW. Biblioteka Politechniki Krakowskie] 100000298930 100000298930 NOTICE SUR LE SERVICE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE PARIS CETTE NOTICE A ÉTÉ DRESSÉE sous l’administration DE M. de SELVES, Préfet de la Seine ET LA DIRECTION DE M. DEFRANCE Directeur administratif de la Voie Publique et des Eaux et Egouts PAR LES SOINS DE M. BECHMANN Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Chef du service technique des Eaux et de l’Assainissement. EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1900 PRÉFECTURE DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE DIRECTION ADMINISTRATIVE DE LA VOIE PUBLIQUE ET DES EAUX ET ÉGOUTS NOTICE SERVICE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE PARIS 32 2l—/ PARIS LIBRAIRIE POLYTECHNIQUE, Ch. BÉRANGER, ÉDITEUR SUCCESSEUR DE BAUDRY ET Cie 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 MAISON A LIÈGE, 21, RUE DE LA REGENCE 1900 LES EAUX ET D’ASSAINISSEMENT DE PARIS PREMIÈRE PARTIE APERÇU RÉTROSPECTIF CHAPITRE PREMIER LES EAUX ET LES ÉGOUTS IL Y A CENT ANS 1. Vue d’ensemble- — Au moment où s’ouvrait le siècle qui va finir, la ville de Paris, enfermée dans l’enceinte des Fermiers généraux, présentait une superficie de 3 800 hectares et comptait une population de 547 700 habitants. Cette population s’alimentait, en grande partie, au moyen de l’eau séléniteuse des puits, qui existaient en grand nombre dans les cours des maisons, de l’eau puisée directement dans la Seine, contaminée par les lavoirs, les bains, la navigation, etc., et pou- vait se procurer, seulement par puisage aux fontaines publiques, en nombre restreint, l’eau provenant des aqueducs du Nord et du Midi ou des pompes de la Samaritaine et du pont Notre-Dame et des pompes à feu de Chaillot et du Gros-Caillou. Quelques privilégiés seuls avaient obtenu, par faveur ou à prix d’argent, des concessions, dont quelques-unes perpétuelles, des- servies par autant de conduites rattachées aux châteaux d’eau, dont les cuvettes assuraient la répartition de l’eau disponible BECHMANN. — Eaux de Paris. 2 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS entre les bénéficiaires, qui tenaient leur privilège tant des libé- ralités du roi que de celles de la municipalité. CHITEU MEAU DE Li FONTAINE DU’TIAHOIR. Château d’eau de la fontaine du Trahoir. Les travaux qui avaient concouru à l’approvisionnement de Paris en eaux publiques avaient été, en effet, exécutés, tantôt exclusivement aux frais du Trésor Royal, tantôt aux frais de la LES EAUX ET LES EGOUTS 1L Y A CENT ANS 3 Ville seule, quelquefois en participation. De là l’ancienne division des eaux de Paris en Eaux du Roi et en Eaux de la Ville. Toute- fois, comme ces différentes eaux étaient souvent réunies dans les mêmes aqueducs et les mêmes conduites jusque dans les cuvettes de distribution où le partage en était fait, les eaux de la Ville participaient aux immunités de celles du Roi. L’ensemble du service était soumis à des règlements généraux dont plusieurs sont en vigueur encore aujourd’hui, notamment la célèbre ordonnance de Charles VI, en date du 9 octobre 1392, qui déclara les unes et les autres imprescriptibles et inalié- nables. Une Compagnie, créée en 1777 par les frères Périer, avait doublé les ressources de l’alimentation par la construction suc- cessive des pompes à feu de Chaillot et du Gros-Caillou ; mais l’ensemble représentait à peine 8 ooo mètres cubes par jour, soit 15 litres par habitant, et la compagnie n’en avait pas moins suc- combé faute d’abonnés. Les eaux pluviales et les eaux ménagères suivaient, dans les rues, le ruisseau central, formé par les revers inclinés des chaussées fendues, et aboutissaient à quelques rares bouches d’égout béantes et grillées où elles s’engouffraient; puis, s’écou- lant dans des galeries souterraines à radier plat et piédroits ver- ticaux, construites à diverses époques et sans plan d’ensemble, gagnaient : sur la rive droite, l’ancien rù de Ménilmontant, dont les deux branches, après avoir couru au pied des coteaux de Montmartre et de Belleville, allaient se déverser, de part et d’autre dans les fossés de la Bastille et dans la Seine à Chaillot, sur la rive gauche, la Bièvre, les fossés Saint-Victor et le grand égout Guénégaud. Les maisons qui étaient pourvues de « privés y devaient, en vertu d’un arrêt du Parlement du 13 septembre 1533, avoir des fosses étanches, que les « gadouards », ou maîtres fy-fy, venaient vider au seau à des intervalles éloignés et dont le contenu porté 4 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS à la voirie de Montfaucon, près de la barrière du Combat, était déversé dans des bassins qui répandaient dans le voisinage une épouvantable puanteur. Quelques établissements de l’Etat, comme l'Hôtel des Inva- lides et l’École Militaire, pratiquaient, sans vergogne, le tout à la Seine. 2. Alimentation d’eau. — Sources du Midi. — Les eaux des coteaux de Rungis, l'Hay, Arcueil, Cachan, dérivées jadis par l’empereur Julien pour l’alimentation du palais des Thermes, étaient amenées à Paris par l’aqueduc d’Arcueil, qu’Henri IV avait songé à construire sur le tracé de l’ouvrage romain, dont Marie Aqueduc d'Arcueil, arcades de la Bièvre. (Élévation générale et plan.) Élévation partielle et coupe (surmontées des arcatures de la Vanne). % LES EAUX ET LES ÉGOUTS TL Y A CENT ANS 5 de Médicis avait posé la première pierre le 17 juillet 1613 et que le jeune Louis XIII inaugura le 18 mai 1624. Sur le parcours de cet aqueduc, construit par les soins et aux frais de la ville, on admirait les belles arcades de la vallée de la Bièvre élevées direc- tement sur les subs ructions romaines. Sa large section voûtée, ses vastes regards avec escaliers en pierre, en faisaient un ouvrage remarquable mais hors de proportion avec le maigre volume d’eau qu’il débitait, à peine i ooo mètres cubes par 24 heures. SOURCES du Nord. — Bien moins abondantes encore — 200 à 3oo mètres cubes — et de qualité plus que médiocre, les eaux des sources du Nord étaient amenées par les deux petits aqueducs des Prés Saint-Gervais et de Belleville, construits à une époque bien antérieure, mais difficile à préciser, par le monastère de Saint-Laurent et l’abbaye de Saint-Martin des Champs ; le pre- mier constitué par des tuyaux en poterie ou de simples pierrées; le second par des galeries voûtées en pierre et pourvu de regards monumentaux dont l’établissement remonte à 1457. Pompes de la Samaritaine. — Sous la deuxième arche du Pont- Neuf, du côté du Louvre, fonctionnait l’établissement de la Sama- ritaine, qu’Henri IV avait fait construire en 1606, par l’ingénieur flamand Jean Lintlaer, dans le but de fournir l’eau nécessaire au Louvre et aux Tuileries ; considéré comme une des curiosités de Paris, il était surtout réputé pour son fameux carillon. Il se composait d’une roue pendante que le courant du fleuve mettait en mouvement et qui entraînait un jeu de pompes jadis capables d’élever 710 mètres cubes par vingt-quatre heures dans un réservoir construit dans le cloître Saint-Germain l'Auxerrois. POMPES Notre-Dame. — L’établissement des Pompes Notre- Dame, construit sur le même type en 1669-1671, par Jolly et Demanu, et qui avait élevé jusqu’à 1 600 mètres cubes par jour, Pompe de la Samaritaine. _ Elévation du côtd du Pont-Neur. Pompes de la Samaritaine. (Élévation du côté du Pont-Neuf et coupe.) LES EAUX ET LES ÉGOUTS IL Y A CENT ANS restauré par Rennequin en 1705, par Bélidor en 1737, mais Pompes du Pont Notre-Dame. (Vue des bâtiments et pilotis.) toujours mal entretenu, était tombé dans un état complet de délabrement. Pompes a feu de CHAILLOT et du Gros-Caillou. — La pompe à feu de Chaillot, installée en 1781, au pied du coteau qui portait le village de ce nom et sur le bord .du fleuve, à l’aval mais dans 1 enceinte de Paris, renfermait deux machines à vapeur de 69 chevaux chacune, du type de Newcomen, avec des balanciers en bois actionnant, par des chaînes les pistons des moteurs et des pompes. Elle refoulait l’eau puisée en Seine dans quatre réservoirs construits, à peu de distance, sur la pente du co- teau. Celle du Gros-Caillou, établie peu après, presque en face sur la rive gauche, renfermait également deux machines, mais plus petites et dont la force atteignait à peine i4 à 16 chevaux. A Pompe à feu de Chaillot. LES EAUX ET LES ÉGOUTS JL Y A CENT ANS 9 défaut d’un coteau voisin où l’on eût pu construire un réservoir, l’eau était refoulée dans un château d’eau, d’où partait le réseau de distribution. Ces deux usines qui, avec les conduites et tout le matériel de la Compagnie, avaient coûté dix millions, étaient entre les mains de l’État, qui, après la ruine de la Compagnie, s’en était emparé pour assurer la continuation du service et les avait réunies aux anciennes Eaux du Roi. L’ensemble de ces ouvrages pouvait fournir, comme on l’a vu plus haut, un volume voisin de 8 ooo mètres cubes par jour et qui, d’après un relevé de l’époque, se répartissaient de la manière suivante : Eau des Prés Saint-Gervais (sources du Nord)..................... 171 m3 Eau de Belleville (sources du Nord)............................. 114 Eau d’Arcueil (sources du Midi)................................. 952 Eau de Seine (pompes de la Samaritaine)......................... 400 — (pompes Notre-Dame)............................... 914 (pompe à feu de .................................. 4 132 — (pompe à feu du Gros-Caillou)................................ i 303 Volume égal.......................... 7 986 m3 Ils alimentaient un certain nombre d’établissements publics, 83 fontaines publiques et 45 concessions particulières, gratuites ou payantes. 3. Mode d’assainissement. — Les égouts. — Sur la rive droite un très petit nombre d’égouts se déversaient directement en Seine ; la plupart, au contraire, étaient inclinés en sens in- verse, dans la direction du coteau, et venaient aboutir au grand égout de ceinture, qui débouchait lui-même dans le fleuve, à côté de la prise d’eau de Chaillot. C’était le cas de l’égout de la rue Montmartre, le plus ancien de tous, construit sous le règne de Charles VI par Hugues Aubriot, prévôt des mar- chands ; de l’égout du Ponceau, ancien fossé voûté sous Henri IV 10 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS et Louis XIII par le prévôt François Miron ; de l’égout Cour- Plan des égouts à Paris en 1800. tille-Barbette établi en 1714, suivant le tracé de la rue Vieille- du-Temple et prolongé depuis par la rue des Filles-du-Cal- vaire. Le grand égout de ceinture n’était autre chose que l’ancien rû de Ménilmontant, muraillé et dallé en 1740 par Turgot, prévôt des marchands, et que depuis les particuliers avaient recouvert d’une voûte sur la majeure partie de sa longueur, notamment sur le parcours des rues actuelles du Château-d’eau, Richer, de Pro- vence. Il avait été pourvu, par Turgot, d’un vaste réservoir placé en tête, vers la rue des Filles-du-Calvaire, qui recevait les eaux de Belleville et pouvait y déverser brusquement 6 ooo m3 d’eau pour y effectuer une sorte de chasse. LES EAUX ET LES ÉGOUTS IL Y A CENT ANS 11 Sur la rive gauche, la Bièvre déjà infectée par les eaux des tanneries et des mégisseries, servait de collecteur : après avoir longé le Jardin des Plantes et reçu les eaux sales de la Sal- pètrière, elle allait se jeter en Seine non loin de l’emplace- ment actuel du pont d’Auster- litz. Les fossés Saint-Victor débouchaient en Seine à la porte de la Tournelle, l’égout Guénégaud près du Pont-Neuf. Plus bas le fleuve recevait les égouts des Invalides et de l’E- cole Militaire. Tout l’ensemble comportait une longueur totale de 26 kil. environ, qui se décomposait ainsi : Rive droite : Égouts se déversant directement en Seine 5 963 m. — Grand égout de ceinture et affluents, n 673 Iles.................. 282 Rive gauche................ 8 i33 Ensemble. . . 26 051m. Voirie DE MONTFAUCON. —La Égout de ceinture. Fossé, section muraillée et voûtée. voirie de la barrière du Combat ne remonte qu’à l’année 1761, c’est-à-dire à l’époque de la construction de l’enceinte des fer- miers généraux. On avait alors, sur la réclamation des habitants des faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin, décidé le report au pied des Buttes-Chaumont de la voirie de Montfaucon, la seule des voiries du moyen âge qui eût subsisté et dont les émanations empoisonnaient le voisinage. Elle avait conservé l’ancienne dési- gnation de Montfaucon. 12 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS Ses bassins de réception s’étendaient sur une surface de 10 hect. Plan de la voirie de Mon ( faucon en 1821. et formaient deux étages avec une différence de niveau de 15 m.; les matières, déversées dans les bassins supérieurs, s’y décan- taient et y laissaient les parties solides, tandis que le liquide était écoulé dans les bassins inférieurs où il se perdait par éva- poration ou infiltration dans le sol. Le volume des matières qu’on y apportait journellement était d’environ 50 m3. 4. Projets. — La situation qui vient d’être décrite n’était sans doute pas considérée comme satisfaisante et depuis longtemps on avait vu apparaître des projets tendant à la modifier. C’est ainsi qu’en 1782, de Fer de la Nouerre avait proposé de dériver les eaux de la Bièvre, de même que de Parcieux avait fait LES EAUX ET LES ÉGOUTS IL Y A CENT ANS 13 précédemment pour celles de l’Yvette. Les travaux, autorisés par un arrêt du conseil d’Etat du 3 novembre 1787, puis suspen- dus sur la plainte des teinturiers, mégissiers, tanneurs, etc., du faubourg Saint-Marceau, qui voyaient déjà la Bièvre à sec, avaient dû être abandonnés en présence des difficultés et des opposi- tions suscitées autour de l’entreprise et qui l’avaient fait échouer totalement en 1789. Presque en même temps, en 1785, le projet de dérivation de la Beuvronne, affluent de l'Ourcq, avait été présenté à l’Académie des Sciences par l’ingénieur Brullée. La rigole d’amenée devait desservir un canal à point de partage descendant dans la Seine, d’un côté au bassin de l’Arsenal, de l’autre à Saint-Denis et se prolongeant de là vers Conflans Sainte-Honorine et Pontoise. C’était l’idée première des canaux Saint-Martin et Saint-Denis. La pénurie des capitaux ayant empêché la réalisation du projet, il avait été repris en 1799 par MM. Solagis et Bossu. Mais la nouvelle entreprise échoua également. En 1797 un architecte, Giraud, avait proposé de supprimer la voirie de Montfaucon et d’en établir deux autres, à Grenelle et dans la plaine Saint-Denis, où l’on fabriquerait des engrais qui seraient écoulés dans les campagnes environnantes. CHAPITRE II LES EAUX ET LES ÉGOUTS DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XIX® SIÈCLE 1. Le Consulat et l’Empire. — Les eaux. — Ou a vu que de nombreuxprojets avaient été mis en avant vers la fin du XVIII® siècle pour organiser un système général de distribution d’eau, mais, s’ils avaient échoué pour la plupart, ils avaient eu pour résultat de tourner la pensée du Premier Consul vers cet important objet. À la suite de nouvelles études faites sur l’ordre du gouverne- mont, le Corps législatif rendit, le 29 floréal an X (19 mai 1802) un décret ordonnant qu’il serait ouvert un canal de dérivation de la rivière d’Ourcq et que cette rivière serait amenée à Paris dans un bassin près de la Villette. Un arrêté du Premier Consul, en date du 25 thermidor sui- vant (13 août 1802) spécifia : que les travaux relatifs à la dériva- tion de l’Ourcq seraient commencés le Ier vendémiaire an XI, (23 septembre 1802) ; que les fonds nécessaires seraient prélevés sur le produit de l’octroi de Paris ; que le Préfet de la Seine serait chargé de l’administration générale des travaux, même pour la partie du canal située hors du département de la Seine ; enfin que les travaux seraient exécutés par les ingénieurs des Ponts et Chaussées. Le tracé et les dimensions du nouveau canal, qui devait effec- tuer la dérivation totale de la rivière, furent', durant trois ans, l’objet de très vives discussions au sein de l’assemblée des Ponts PREMIÈRE MOITIE DU XIXe SIÈCLE et Chaussées, en raison de la divergence des sytèmes préconisés. Les uns comportaient une simple rigole d’adduction d’eau potable les autres constituaient un canal de petite navigation pouvant, dans l’avenir, être relié aux canaux et rivières du nord et de l’est de la France. Le 17 mars 1805, l’Empereur trancha lui-même la question en décidant que le profil du canal de l'Ourcq serait établi de manière à donner passage à des bateaux de moyenne grandeur. Les travaux lurent dès lors poussés avec activité entre Paris et Claye, sous la direction de Girard, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées, qui avait pris part à l’expédition d’Egypte et qui, à son retour, le 28 fructidor an X (15 septembre 1802), avait été chargé de l’exécution des travaux. Cependant un décret du 6 prairial an XI, modifié par un autre décret du 4 septembre 1807, ordonna la réunion de toutes les eaux anciennes et nouvelles en une seule administration, régie, aux frais de la Ville de Paris, par le Préfet de la Seine, sous la surveillance du directeur général des Ponts et Chaussées et l'au- torité du Ministre de l’Intérieur. C’est depuis lors que la Ville se trouve en possession de l’ensemble du service des eaux de Paris et que tous les ouvrages dépendant de ce service sont considérés indistinctement comme faisant partie de la grande voirie. En même temps que les travaux de dérivation de l’Ourcq, ceux de V aqueduc de ceinture, destiné à en distribuer les eaux dans Paris, étaient entrepris le 11 août 1808 ainsi que la pose des tuyaux de conduite. Le bassin de la Villette ayant été achevé au mois d’octobre, les eaux y furent introduites le 2 décembre suivant et coulèrent à la fontaine des Innocents le 15 août 1809, ce qui permit à l’Empereur d’ordonner la démolition de la Sama- ritaine. Pour donner une nouvelle impulsion à l’entreprise du canal de l'Ourcq et de son double prolongement, la Ville fut auto- risée, par un décret du 20 février 1810 à emprunter 7 millions. Le 15 août 1813, la navigation s’ouvrit entre Claye et Paris. LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS 16 Mais à partir de cette époque, les revers de la France paralysè- rent les travaux qui furent presque suspendus en 1814. Egouts et vidanges. — Les égouts s’augmentèrent peu durant cette période ; sans songer à s’écarter des errements du passé on construisit seulement quelques tronçons raccordés sur les égouts existants et de même type, c’est-à-dire en maçonnerie de pierre de taille, lourde, massive, coûteuse, en particulier dans les rues de Rivoli, Saint-Denis, Montmartre, etc. La salubrité de la Ville de Paris fut confiée au Préfet de police par l’arrêté du 12 messidor an VIII (1er juillet 1800). Et un décret du 10 mars 1809 vint ordonner la construction de fosses com- plètement étanches. 2. La Restauration. — Concession du canal de l’Ourcq et du canal Saint-Denis. — Durant les premières années de la Res- tauration, l’état des finances ne permettait pas à la ville de Paris d’achever les canaux de l'Ourcq et Saint-Denis ; on songea donc à faire terminer cette grande entreprise par les soins et aux frais d’une compagnie à laquelle on abandonnerait les produits de la navigation. La concession fut faite à la compagnie Vassal et Saint-Didier. Par le traité de concession en date du 19 avril 1818, approuvé par la loi du 20 mai 1818 et par une ordonnance royale du 10 juin suivant, la Ville accorda à la Compagnie une subvention de 7 500 0 0 0 francs pour terminer les deux canaux de l’Ourcq et Saint-Denis et lui abandonna les péages et les revenus territo- riaux des deux lignes pendant quatre-vingt-dix-neuf ans, à comp- ter du ier janvier 1823, à la condition que la Compagnie achèverait les travaux et les entretiendrait à ses frais jusqu’à l’expiration de sa concession. La Compagnie fut mise en possession des deux canaux le Ier juillet 1818, suivant un arrêté du 17 juin précédent. L’ouverture du canal Saint-Denis eut lieu solennellement le dimanche 13 mai 1821, à l’occasion du baptême du duc de Bor- PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE deaux, et le canal de l’Ourcq fut entièrement ouvert, de Mareuil à Paris, à la fin de 1822. A ce moment, des difficultés s’étant élevées entre la Compagnie et le duc d’Orléans, à raison des droits de celui-ci sur larivièred’Ourcq, une transaction intervenue le 24 avril 1824, et ratifiée par une ordonnance royale du 23 juin suivant, fit passer la rivière d’Ourcq, depuis le Port-aux-perches jusqu’à la Marne, dans le domaine de la ville de Paris qui en concéda la jouissance à la Compagnie. Construction du canal Saint-Martin. — La construction du canal Saint-Martin fut prescrite par la loi du 29 floréal an X (19 avril 1802) et les décrets de l’Empereur du 14 février 1806 et du 27 juillet 1808. Cet ouvrage était à peine commencé en 1814, à la chute de l’Empire. La ville de Paris fut autorisée, par la loi du 5 août 1821, à négocier un emprunt de 400 0 0 0 livres de rente pour acheter les terrains et solder les travaux. Une ordonnance royale, du 15 du même mois, approuva le plan définitif du canal, dont les travaux furent adjugés le re mars 1822 à la Compagnie des canaux de l'Ourcq et Saint-Denis sous cer- taines charges, clauses et conditions, comprenant notamment l’abandon, à cette Compagnie, de la jouissance dudit canal pour quatre-vingt-dix-neuf ans, à partir du Ier janvier 1823. Le canal déclaré ouvert le 4 novembre 1825, a vu la navigation s’établir réellement le 23 décembre suivant. LES égouts. — Parent Duchâtelet (1824). Premier emploi de la meulière (Duleaup — Cependant les égouts, toujours établis un peu au hasard, suivant les besoins du moment et d’après les mêmes principes, voyaient à peine leur développement total s’augmenter de cinq cents mètres par an. C’est ainsi qu’on construisit les égouts des abattoirs Popincourt, des rues Richelieu, Croix-des-Petits-Champs ; ceux de la pompe a feu du Gros-Caillou, de la place Maubert et de la ménagerie du Jardin des Plantes. BECHMANN. — Eaux de Paris. 2 18 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS Mais l’assainissement du sol et celui des immeubles n’avaient encore rien gagné au point de vue de l’hygiène. Les égouts con- tinuaient à ne pas être nettoyés, les immondices qui s’y accumu- laient en arrêtant le cours des eaux, répandaient l’infection dans l’atmosphère. À la moindre pluie, les eaux superficielles n’avaient plus d’écoulement et les parties basses d’un grand nombre de Égouts, types anciens. quartiers de la Ville étaient inondées; l’eau envahissait les caves et les rez-de-chaussée des immeubles jusqu’à près de un mètre de hauteur, sur certains points. Une description des égouts existant en 1824 est donnée, fort exactement, dans le remarquable ouvrage de Parent Duchâtelet : Essai sur les cloaques ou égouts de la Ville de Paris. 11 divise les égouts en trois genres : 1° Celui des égouts voûtés qui comportait un développement total de 35628 mètres savoir : Egouts de la rive droite (y compris le grand égout de ceinture) 2571I mètres; Egouts de la rive gauche, 9 530 mètres; Egouts des îles de la Seine, 387 mètres. 2° Celui des égouts découverts d’une longueur totale de 2 206 mètres, non compris la rivière de Bièvre, qui recevait les eaux souillées et infectes de près de cent établissements de tanneurs et corroyeurs. 3° Celui des égouts, peu nombreux, qui, par exception à la règle générale, se perdaient dans la terre par in filtration PREMIÈRE MOITIE DU XIXe SIECLE 19 A partir de 1824, on commença à comprendre l’importance du rôle des égouts dans la salubrité d’une ville ; on s’attache, dès lors, à développer le plus possible le réseau parisien et, afin de réaliser rapide- ment ce projet, on cherche à diminuer le prix de re- vient des galeries. Devilliers, Coïc et Du- leau, Ingénieurs des Ponts et Chaussées, chargés suc- Egout de la rue de Rivoli. cessivement des travaux d’égout de Paris, renonçant à l’emploi coûteux de la pierre de taille et de la chaux grasse, adoptèrent un nouveau mode de construction des égouts, plus rationnel et plus économique, avec chaux hydraulique et petits matériaux. Bientôt l’Ingénieur Doleau projeta l’exécution de onze grandes lignes d’égouts en maçonnerie de meulière à bain de mortier hydraulique avec fondation sur couche de béton. La dépense par mètre d’égout, qui s’élevait autrefois à plus de 400 francs, se trouva ainsi réduite, suivant les sections des galeries, à 130 francs pour les grandes et à 80 francs pour celles de petites dimensions. Les vidanges. — On commençait à s’occuper d’ailleurs de l’as- sainissement intérieur de Paris. C’est ainsi que l’ordonnance royale du 24 septembre 1819 vint poser les règlements encore en vigueur aujourd’hui pour la construction des fosses d’aisances. D’autre part, la situation déplorable de la voirie de Montfaucon s’aggravant sans cesse, par suite de l’augmentation constante des matières transportées, on avait dû songer à trouver d’autres lieux de dépôt; et, en 1817, la Ville de Paris fut autorisée à disposer pour y transporter sa voirie, de 3o hectares de la forêt de Bondy, situés le long du canal de l'Oureq. Mais le quart seulement des matières de vidanges put y être transporté en bateaux parle canal 20 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS pour y subir le traitement rudimentaire en usage à la voirie de Montfaucon, qui continuait à rester comme un fléau pestilentiel aux portes mêmes de la Ville. En 1826 011 crut en atténuer les inconvénients en profitant de la construction de l’égout latéral au canal Saint-Martin pour jeter en Seine, en amont de Paris et des prises d’eau, les eaux vannes surabondantes de la voirie de Montfaucon. 3. Période de 1830 à 1854. — Chaussées BOMBÉES. — C’est seu- Ancienne bouche d’égout sous chaussée fendue et sous trottoir. PREMIERE MOITIE DU XIXe SIÈCLE 2 I lement a partir de 1830 que les anciennes chaussées fendues, à ruisseau central, commencèrent à disparaître et qu’on les rem- plaça par les chaussées bombées, avec trottoirs et double cani- veau. Le développement des égouts et l’extension de la canalisation d’eau permettaient bientôt d’établir, au point bas du caniveau entourant chaque îlot de maisons une bouche d’égout, et au point haut une borne fontaine, fonctionnant deux fois par jour pendant une heure, et dont l’eau — quand elle ne servait pas au puisage — coulait librement au caniveau, pour y entraîner jusqu’à la bouche d’égout les eaux sales, la boue et les ordures, provenant soit du balayage des rues, soit des maisons riveraines. Distribution GÉNÉRALE. — Eau de VOurcq. — Dès l’arrivée de l’eau de l'Ourcq au bassin de la Villette, on s’était préoccupé de la distribuer, par un réseau de conduites bien étudié, dans les quartiers de la rive droite et de la rive gauche de l’ancien Paris. Bientôt une galerie souterraine de 4033 mètres de longueur, nommée aqueduc de ceinture et tracée à peu près de niveau depuis son origine, au bassin de la Villette, jusqu’à un vaste réservoir terminal, établi près de la barrière Monceau, détachait sur le parcours plusieurs conduites maîtresses, qui descendaient perpen- diculairement vers la Seine et franchissaient les ponts pour abou- tir, sur la rive gauche, à deux réservoirs établis à une altitude un peu moindre, les bassins Saint-Victor et Racine. Ces conduites, d’un diamètre de o",60, alimentaient de nom- breuses conduites secondaires, qui amenaient l’eau tant aux appa- reils de la rue qu’à l’intérieur des maisons. Toutes ces conduites exécutées en fonte, avec joints au plomb, étaient posées en terre, à la profondeur nécessaire pour échapper aux gelées. Puis un aqueduc secondaire, nommé galerie Saint-Laurent, s’embranchait sur l’aqueduc de ceinture et conduisait une partie des eaux, à niveau, jusqu’auprès de la gare du chemin de fer de Fig. 16. — Aqueduc de ceinture. (Coupe.) Galerie Saint-Laurent. (Coupes.) Rue d’Alsace. PREMIÈRE MOITIE DU XIXe SIÈCLE 23 1er de Strasbourg, où il se subdivisait aussi en plusieurs conduites maîtresses. Cuve de Chaillol. — Mais les eaux ainsi distribuées n'avaient pas une pression suffisante pour atteindre les quartiers hauts, auxquels fut alors réservée l’eau de Seine que continuait à élever la pompe à feu de Chaillot. Dupuit, à cet effet, en transforma les machines et construisit, au-dessus de l’ancien village de Chaillot, une cuve de distribution en tôle, à fond en forme de calotte sphé- rique, de 1700 mètres cubes de capacité, qui fut à l’époque très remarquée et devint le prototype d’un grand nombre d’installations analogues. Fontaines marchandes et Cuve de Chaillot. porteurs d'eau. — On en était encore à cette époque au ré- gime des porteurs d’eau, soit à bretelles, soit à tonneaux, qui s’approvisionnaient aux ventes d’eau ou fontaines marchandes, en payant, au profit de la Ville, une rétribution de 0,90 par mètre cube. Imaginées en 1786, ces ventes d’eau se multiplièrent sur- tout à partir de l’ordonnance rendue par le Préfet de Police le 28 juillet 1819, pour interdire aux porteurs d’eau à tonneaux le puisage aux fontaines publiques, en raison de l’encombrement qu’ils causaient aux abords. Mais l’eau qu’achetaient ainsi les porteurs d’eau et qu’ils revendaient aux consommateurs était loin d’être pure; aussi, dès 1821, des essais de filtrage avaient-ils été tentés à la fontaine de la Boule-Rouge, au moyen d’un filtre prin- cipalement composé de grès pilé, de charbon et de sable fin. Bientôt d’autres fontaines marchandes furent également pour- vues de filtres de divers types, et l’usage s’introduisit, dans les ménages, du petit filtre à pierre poreuse, qui devait si longtemps 21 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS faire partie du mobilier indispensable des cuisines parisiennes et qui a disparu seulement depuis l’arrivée des eaux de source. Enfin, une Compagnie installait, quai des Célestins, des appareils du système Vedel et Bernard et entreprenait la fourniture d’eau fil ti ée dans Paris, au moyen de gros tonneaux attelés. Puits artésien de Grenelle. —En 1832, l’Administration muni- cipale, en quête d’eaux plus pures, décida, sur la proposition de l’ingénieur Emmery, qu’on pousserait le forage d ’un puits arté- sien entrepris dans la plaine de Grenelle, non plus seulement comme on le faisait aux environs de Paris, jusqu’aux couches sablonneuses de l’argile plastique, mais jusque dans les grès verts ; on devait ainsi percer, non seulement la masse des ter- rains tertiaires, mais encore la craie blanche, les premières PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE 25 assises de la craie inférieure, notamment les argiles du gault et atteindre les terrains aquifères situés au-dessous. Les travaux furent entrepris par M. Mulot, sous la direction des ingénieurs Emmery et Mary le 24 décembre 1833. L’eau jaillissante arriva à la surface du sol le 26 février 1841 d’une profondeur de forage de 548 mètres. Le volume était de 39 litres par seconde. Des désordres considérables survenus au pied du tubage exi- gèrent des travaux complémentaires qui, entrepris en décembre 1850, furent terminés le 2 0 juillet 1852. Les égouts. — L’apparition du choléra en 1832, appela l’attention publique sur les travaux d’assainissement. On s’émut des émanations résultant de la stagnation des eaux sales dans des ruisseaux fétides et, pour la première fois, l’on comprit les avantages que présentait la généralisation d’un réseau souterrain. Aussi, de 1832 à 1836, la construction des égouts prit-elle une marche régulière, qui se maintint quelques années et atteignit en moyenne 8 kilomètres par an. C’est de cette époque que date rétablissement systématique des bouches d'égout sous trottoirs, employées par Emmery pour supprimer les cassis transversaux aux carrefours des rues. Sous scs successeurs, les travaux ne marchèrent pas avec moins de rapidité ; ils ne se ralentirent un peu qu’en 1848 et 1849, a cause des événements politiques, encore la longueur d’égouts exécutée durant ces deux années fut-elle de 6 563 mètres. Cette période vit apparaître une pratique qui s’est plus tard généralisée : celle de poser en égout les conduites de distribution des eaux. Depuis longtemps on avait compris l’avantage qu il y aurait à placer ces conduites dans des galeries, où il serait pos- sible de les visiter en tout temps pour les entretenir et les réparer ; et, sous l’Empire, l’égout Saint-Denis avait été dis- posé pour recevoir la conduite de om,25 qui alimentait la fontaine 26 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS des Innocents ; mais on avait reculé devant la dépense qu’entraî- naient les augmentations de section nécessaires. Nouveaux types. — Le nouveau mode de construction intro- duit par Duleau ayant permis de réduire très sensiblement le prix des galeries souterraines, services réunis des eaux et des égouts, proposa de reve- nir à cette disposition et porta en conséquence les di- mensions des égouts élémen- taires à 2 mètres de hauteur et 0,80 m. de largeur aux naissances de la voûte, de manière à pouvoir y placer des conduites de 0,081 m. et de 0,108 m. de diamètre. Un nouveau pas, dans cette voie, devait être fait à partir de 1851 , l'ingénieur Mille ayant rapporté de l’Exposi- tion de Londres le nouveau l’ingénieur Mary, chargé des Profil de l’égout Rivoli. profil ovoïde, à la fois éco- nomique et hardi, récemment adopté en Angleterre et dont l’adoption devait amener une nouvelle réduction dans les prix. La construction d’une grande galerie rue de Rivoli, pour rece- voir les eaux des égouts qui jusqu’alors tombaient directement en Seine, fut l’occasion d’une nouvelle amélioration due à l’ingé- nieur Dupuit, qui avait succédé à Mary dans la direction des eaux et égouts. Elle consistait dans l’établissement, suivant l’axe de l’égout, d’une canette médiane comprise entre deux banquettes, aux angles desquelles furent lixées deux cornières qui formèrent PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE un chemin de roulement pour les wagonnets destinés à trans- porter les matières extraites de la galerie. Branchements. — En même temps, le décret-loi du 26 mars 1852, relatif au régime des rues de Paris, marquait un nouveau et important progrès dans l'assainissement de la capitale, son article 6 disposait en effet : « Toute construction nouvelle dans une rue pourvue d’égout « devra être disposée de manière à y conduire les eaux pluviales « et ménagères. La même disposition sera prise pour toute « maison ancienne, en cas de grosses réparations et en tout cas « avant dix ans. » C’était supprimer, pour un avenir prochain, les inconvénients résultant de l’envoi des eaux ménagères dans les ruisseaux de la rue, où elles s’écoulaient jusque-là, en répandant, malgré les lavages journaliers, des odeurs fort désagréables. MURAILLEMENT de la Bièvre. — L’infection de la Bièvre, qui Muraillement de la Bièvre. allait croissant par suite du développement considérable pris aux abords par l’industrie de la tannerie et de la mégisserie, avait 28 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS provoqué le redressement de ce petit cours d’eau à partir de 1825. Bientôt on entreprenait d’en transformer le lit en cuvette muraillée, comme avait jadis fait Turgot pour le rù de Ménil- montant; l’opération commencée en 1828, suspendue en 1830, était reprise en 1835, mais n’a pu être terminée qu’en 1844, à la suite d’une déclaration d’utilité publique prononcée en 1840. 4. Création du dépotoir et suppression de la voirie de Montfaucon. — Les vidanges.— Création du dépotoir et suppression de la voi- rie de Montfaucon. — La voirie de Bondy ne recevait qu’une faible partie des vidanges et Montfaucon continuait à soulever les plaintes Vue du dépotoir. des habitants des quartiers environnants, quand Mary, alors direc- teur du service municipal, eut l’idée de refouler tous les jours dans les bassins de Bondy, les eaux-vannes liquides au moyen PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE 29 d’une conduite latérale au canal de l'Ourcq, les matières solides devant continuer à y être transportées par bateaux. L’emplacement choisi pour le nouvel établissement qui devait renfermer les machines et les pompes de refoulement, fut le lieu d’embarquement des solides au bassin de la Villette ; on lui donna le nom de dépotoir. Dès sa mise en service, en 1849, Montfaucon fut supprimé et le dépôt des matières pâteuses contenues dans ses bassins trans- formé peu à peu en poudrette. Essais d’emploi agricole. — Les premiers procédés d’exploi- tation des vidanges à Bondy ne différaient pas de ceux employés à Montfaucon. Les matières reçues étaient emmagasinées dans d’immenses bassins, où elles se décantaient, séchaient à l’air et étaient ensuites converties en poudrette. Quant aux liquides, ils étaient rejetés en Seine près de Saint-Denis. En procédant ainsi on perdait, par l’écoulement des liquides à la Seine, une grande partie des matières fertilisantes, .et, par l’évaporation et la fermentation, on faisait disparaître les prin- cipes ammoniacaux, qui, au lieu d’être utilisés, empestaient les localités voisines. Mille, alors ingénieur du service municipal, avait cherché, avec l’agronome Moll, à faire profiter l’agriculture des principes fertilisants des eaux-vannes, et dans ce but ils avaient fait des installations spéciales à la ferme de Vaujours. Leurs efforts avaient été couronnés de succès ; mais l’exploitation revenait à un prix trop élevé et exigeait une trop grande sur- veillance pour entrer dans la pratique. Situation en 1854. — En 1854, au moment où allait être créé de toutes pièces un nouveau système d’alimentation en eau et d’assainissement de Paris, la capitale comptait un million d’ha- bitants en nombre rond, et voici quelle était la situation de ses services sanitaires. LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS Les eaux. — La quantité d’eau mise à la disposition des usa- gers se décomposait ainsi : Canal de FOurcq......................................... 60 000 m3 Eau de Seine............................................ 19 000 Eau d’Arcueil............................................ 3oo Puits de Grenelle........................................ 900 Sources du Nord.......................................... 200 Ensemble . . ................ 80 400 m3 Les égouts. — La longueur totale des galeries d’égout qui, au commencement du siècle atteignait à peine 26000 mètres, était, en 1854, de 163000 mètres pour une longueur de voies publiques de 428 000 mètres. Plan de la voirie de Bondy en 1854. Les vidanges. — La presque totalité des matières de vidanges aboutissait à la voirie de Bondy, le dépotoir de la Villette étant ouvert à tous les entrepreneurs de vidanges. Le volume annuel s’élevait à environ 267 0 0 0 mètres cubes. CHAPITRE III PÉRIODE DE TRANSFORMATION. BELGRAND (1854-1878) 1. Programme nouveau. — L’année 1854, au cours de laquelle l’Administration municipale décida l’exécution d’un programme entièrement nouveau, tracé dans ses grandes lignes parle préfet Haussmann, marque l’origine d’une ère nouvelle. Belgrand, appelé en 1856 au service de la Ville de Paris, eut immédiatement à en aborder l’application ; il la conçut dans des conditions magistrales, qui soulevèrent tout d’abord une vive opposition, mais qu’il sut faire triompher et qui depuis lors sont demeurées la base immuable du système sanitaire actuel. DOUBLE CANALISATION. SERVICE PRIVE. SERVICE PUBLIC . --- En première ligne venait le dédoublement de la distribution d’eau en deux services entièrement distincts, l’un pour la voie pu- blique, l’industrie, les cours, les écuries, les jardins, l’autre pour les usages purement domestiques ; par suite deux systèmes de canalisations furent établis, l’un pour le service privé, l’autre pour le service public. « Au service privé1 ont été attribuées les eaux de source, captées au loin, à l’abri de tout soupçon, amenées par des aqueducs fermés dans des réservoirs couverts et conduites, sans voir le jour, sans possibilité de contamination en route, sans variation sensible (1) Bechmann. Salubrité urbaine. Distributions d’eau. Assainissement, 2e éd., t. II, p. 335. 32 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS de température, du point où elles émergent du sol jusqu’au robi- net du consommateur. « Au service public ont été réservées les eaux de la Seine et de la Marne, assez pures chimiquement pour tous les emplois industriels, mais chaudes en été, froides en hiver, souvent troubles et qu’il fallait écarter de la consommation domestique en raison de leur contamination manifeste ; celles du canal de l'Ourcq, longue dérivation à ciel ouvert, servant à la fois d’aqueduc pour l’amenée des eaux et de voie navigable ; celles aussi des anciennes dérivations (Arcueil, Pré Saint-Gervais) lourdes, séléniteuses et peu abon- dantes d’ailleurs, ainsi que les eaux chaudes des puits artésiens. « Belgrand par une habile répartition de ces diverses eaux en plusieurs zones et plusieurs étages distincts, a su faire concourir à un but unique une série de distributions juxtaposées et super- posées sans jamais être confondues, de manière à satisfaire à toutes les exigences du double service dans une ville étendue, où le sol est fort accidenté, tout en évitant et les trop fortes pressions et les élévations d’eau inutiles ». RÉSEAU DES ÉGOUTS. GRANDS COLLECTEURS DIRIGES VERS LAVAL. ------- La seconde partie du programme avait pour objet l’évacuation souterraine de toutes les eaux usées qui ne devaient plus être déversées en Seine dans la traversée de Paris, mais conduites aussi loin que possible en aval. Un vaste réseau de collecteurs fut étudié en vue de parvenir à ce résultat. Belgrand sut résoudre un problème difficile en ima- ginant de profiter du long détour que fait la Seine au sortir de Paris, pour reporter le débouché de ses collecteurs auprès du pont d’Asnières, en un point vers lequel il les dirigea presque en ligne droite, en perçant un souterrain à grande profondeur sous le coteau de Monceau. 2. Annexion de la banlieue. — Au moment précis où il commen- PÉRIODE DE TRANSFORMATION 33 çait l’exécution des travaux d’assainissement général qu’il avait conçus, Paris s’annexait les communes de la banlieue le Ier jan- vier 1860; par suite sa population s’augmentait de 358ooo habi- tants et en même temps les réseaux des canalisations d’eau et des égouts recevaient un très sensible accroissement. Traité avec la Compagnie générale des eaux. — L’annexion venait ainsi compliquer la question, principalement au point de vue des abonnements aux eaux, car il était impossible de ne pas mettre à ce point de vue sur le pied d’égalité les anciens et les nouveaux habitants de Paris. Or la différence était grande : dans l’ancien Paris, le service municipal distribuait quotidiennement 85 litres par personne et le mètre cube était tarifié 5o francs pour l’eau d’Ourcq, ioo francs pour l’eau de Seine; dans la ban- lieue partiellement annexée, la Compagnie générale des eaux, concessionnaire, ne distribuait que 16 à 20 litres par tête et per- cevait en moyenne plus de 180 francs par mètre cube ; de plus les eaux puisées en Seine par la Compagnie, en aval de la tra- versée de Paris, étaient de qualité inférieure, souvent noirâtres et répugnantes. Il fallut chercher un arrangement amiable qui fut conclu le 11 juillet 1860 et ratifié par décret du 2 septembre suivant. Les services jusqu’alors distincts furent fusionnés de manière à unifier toute la distribution, la Ville se réservant l’exploitation technique, tandis que la Compagnie devenait, pour cinquante années, son régisseur intéressé, et se chargeait, à ce titre, du placement des eaux affectées au service privé, des rapports avec les abonnés, des travaux d’embranchement, de la recette des fontaines marchandes et du produit des abonnements, etc. A cet effet, la Compagnie cédait à la Ville ses usines éléva- toires (Port-à-1‘ Anglais, Maisons-Alfort, Auteuil, Neuilly, Clichy, Saint-Ouen, Charonne) avec les réservoirs correspondants, 259 ooo mètres de conduites, les fontaines marchandes et le ma- BECHMANN. — Eaux de Paris. 3 34 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS tériel de toute sorte qu’elle possédait dans le département de la Seine et substituait la Ville de Paris dans tous les droits résultant des traités passés par elle ou ses auteurs avec les communes situées intra ou extra-muros, le tout moyennant l’allocation : i° D’une annuité,fixée à i 160000 francs,représentant les béné- fices nets acquis ; 2° De frais de régie fixés à 350000 francs par an. Et 3° d’une part, fixée au quart, dans les produits de l’exploi- tation, lorsqu’ils dépasseraient 3 600 000 francs. Le prix du mètre cube désormais fixé à un taux uniforme dans l'intérieur de l’enceinte, était porté à 60 francs pour l’eau d’Ourcq et 120 francs pour l’eau de Seine. Le traité de concession, c[\\i devait prendre fin en 1910, pouvait d’ailleurs être résilié par la Ville à partir du 18" janvier 1870, à la condition de prévenir la Compagnie un an à l’avance moyennant : i° La réduction des frais de régie de 50 000 francs par an, jus- qu’à disparition complète en 1874 ; 2° L’abaissement de la prime sur les recettes au delà de 6.000.000 de francs qui fut ramenée, d’après une échelle progres- sivement décroissante, à : 20 p. 100 sur les 7°, 8e et 9° millions. 15 p. 100 sur les 10e et 11e. 10 p. 100 sur le 12e million. 5 p. 100 au delà. Le régime mixte, un peu spécial, ainsi organisé, est encore en vigueur. Il laisse la Ville maîtresse absolue de ses services, juge du choix des eaux à consacrer à l’usage public ou privé ; elle seule construit et entretient les ouvrages, assure la distribution, sans que la Compagnie ait aucun droit d’intervention ou de cri- tique. Par contre celle-ci est seule chargée de la partie commer- ciale de l’exploitation, du contentieux des abonnés, du manie- ment des fonds, etc. La pratique a montré que ce régime, d’ailleurs perfectible et PÉRIODE DE TRANSFORMATION 35 qui s’est prêté à diverses modifications dictées par les circons- tances, devait en somme fonctionner d’une manière régulière et satisfaisante. 3. Rachat des canaux. — Pour devenir complètement maîtresse de sa distribution d’eau, la ville de Paris devait s’affranchir aussi des sujétions que lui imposait la concession des canaux de l'Ourcq, Saint-Martin et Saint-Denis. Déjà, en vertu d’un traité du 9 juillet 1861, le canal Saint- Martin était devenu sa propriété ; elle avait à cet effet versé à la Compagnie concessionnaire, une somme de i 388 ooo francs, et s’était engagée à lui payer en outre pendant soixante et un ans, une annuité de 18 ooo francs. Les canaux de l’Ourcq et Saint-Denis ne furent rachetés qu’en 1875-1876 : le traité définitif du 21 mars 1876 stipule une nouvelle annuité de 54 ooo francs à verser à la Compagnie jusqu’à l’expiration de sa concession. La Ville s’est trouvée alors propriétaire des trois canaux, qu’elle exploite depuis lors, non seulement en vue de l’apport considérable fourni à l’alimentation du service public par le canal de l’Ourcq ; mais encore au point de vue de la navigation sur la- quelle elle perçoit des droits de péage et de stationnement. 4. Dérivations de la Dhuis et de la Vanne. — Les eaux du canal de l’Ourcq et celles de la Seine devant être en principe affec- tées au service public, Belgrand s’était mis en quête d’eaux plus pures pour le service privé. Il crut devoir les demander aux sources du bassin de la Seine qu’à la suite de recherches éten- dues et minutieuses il avait reconnues les mieux situées, les plus favorables à tous égards. La construction des deux aqueducs de dérivation des sources de la Dhuis et de la Vanne fut d’ailleurs étudiée en vue d’en faire arriver les eaux à un niveau suffisam- ment élevé pour atteindre les quartiers hauts de la rive droite et 36 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS de la rive gauche, qui se trouvaient jusqu’alors dans un état d’in- fériorité regrettable, pour ce qui concerne les quantités d’eau disponibles, en regard de l’ancien Paris, abondamment pourvu en eau d'Ourcq. Le premier, celui de la Dhuis, terminé en 1865, amène sur les hauteurs de Ménilmontant à l’altitude de 108 mètres au-dessus de la mer, soit 75 mètres plus haut que le niveau des quais de la Seine, les eaux de la source de Pargny, située à la cote 128 et qui marque l’origine de la Dhuis, affluent du Surmelin, non loin de Château-Thierry. Il n’a pas moins de 131 kilomètres de lon- gueur et a été exécuté entièrement en tranchée ou en souterrain, avec des siphons à la traversée des vallées, sans aucun ouvrage apparent. Il verse dans le réservoir de iooooo m3 de capacité, où il débouche à Ménilmontant, 2 0 à 25 000 m3 d’eau par jour. Le second, celui de la Vanne, commencé en 1868, interrompu en 1870 et terminé seulement en 1874 est beaucoup plus impor- tant. Il amenait à cette date plus de 80000 m3 d’eau par jour provenant d’une série de sources tributaires de la rivière du même nom, éparses dans la vallée entre Sens et Troyes. L’a- queduc, d’une longueur totale de 173 kil., aboutit à Paris sur les hauteurs de Montrouge, à côté du parc de Montsouris, dans un réservoir à deux étages, de quatre hectares de superficie et de 250 000 m3 de capacité, dont le trop plein est à 80 mètres environ au-dessus du niveau de la mer. 5. Usines sur la Seine et la Marne. — AUSTERLITZ. — En même temps qu’on projetait la dérivation de la Dhuis destinée à l'ali- mentation du service privé, on décidait, en 1863, pour satisfaire aux besoins les plus urgents du service public dans les arrondis- sements élevés de part et d’autre du fleuve, la construction de l’usine d’Austerlitz, forte de 220 chevaux, sur la rive gauche de la Seine , entre les ponts de Bercy et d’Austerlitz, moyennant une dépense de 1 170 000 francs. Mises en service le 5 juillet de PÉRIODE DE TRANSFORMATION 37 la même année, les pompes de cette usine refoulent l’eau de Seine dans les réservoirs de Gentilly et de Charonne. Elles répondaient si bien à un besoin que, dès l’origine, alors qu’elles sont capables d’élever ensemble 2 ooo m3 par vingt-quatre heures, elles refoulèrent en moyenne 14 ooo m3 chaque jour. La dépense totale s’est élevée à i 700 ooo francs. SAINT-MAUR. — Malgré l’adjonction de ce nouveau volume d’eau de Seine, les XVIIe, XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements continuaient à être très mal desservis. Pour y mettre aussi le service public à même de répondre à des besoins sans cesse croissants il fallait un supplément de 40 ooo m3 au moins par jour. On le demanda bientôt à une nouvelle usine installée sur le bord de la Marne, en remplacement des grands moulins de Saint-Maur, à 40 paires de meules, achetés par la Ville en 1864. Pour tirer de la chute qu elle s’était procurée par cette acqui- sition tout le parti possible, la Ville de Paris ouvrit un canal d’amenée souterrain, parallèle et contigu au canal de navigation de Saint-Maur, qui coupe en son point le plus rétréci la pres- qu’île entourée par la boucle de Marne. La force hydraulique fut employée à mettre en mouvement sept moteurs hydrauliques, dont quatre roues turbines du système Girard et trois turbines sys- tème Fourneyron , ensemble, 780 chevaux, qui montèrent régu- lièrement à partir de 1867 : 12 ooo mètres cubes dans le lac de Gravelle pour alimenter les lacs et rivières du bois de Vincennes ; 35 ooo mètres cubes dans le réservoir de Ménilmontant pour le service public ; Ensemble 45 à 50 ooo mètres cubes d’eau. L’usine hydraulique de Saint-Maur étant, par sa nature même, sujette à des chômages en temps de sécheresse par manque d’eau et aussi en temps de crue par suite d’effacement de la chute, on a dû y adjoindre ultérieurement, en 1872 et 1874 deux 38 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS machines à vapeur de renfort de 150 chevaux chacune, qui ont porté à 1080 chevaux la force totale de l’usine. COMPLÉMENT D'ALIMENTATION DU CANAL DE L'OURCQ. USINES DE TRILBARDOU et d’Isles-les-Meldeuses. — A la suite de séche- resses exceptionnelles qui se liront sentir de 1857 à 1865, non seulement la navigation des canaux Saint-Denis et Saint-Martin, alimentés par les eaux du canal de l'Ourcq, fut arrêtée pendant les mois d’été, mais l’on ne pouvait même tirer du bassin de la Villette le volume nécessaire à la distribution dans Paris. Par deux décrets du h avril 1866, la Ville de Paris fut auto- risée à profiter de la chute produite dans la Marne, à l’amont de Meaux, par la retenue d’Isles-les-Meldeuses, pour jeter par se- conde dans le canal de l’Ourcq de 300 à 500 litres d’eau de Marne élevée par des roues turbines et des pompes du système Girard, et à prendre 500 litres d’eau par seconde au moulin de Tril- bardou pour les élever dans le canal au moyen de pompes mises en mouvement, tant par une roue neuve du système Sagebien que par l’ancienne roue du moulin dont la Ville de Paris s’était rendue propriétaire. Ces deux usines peuvent monter dans le canal de l’Ourcq jus- qu’il 75 ooo mètres cubes d’eau de Marne en vingt-quatre heures. 6. Puits artésiens. — PUIrs de Passy. — A l’époque où le Bois de Boulogne a été transformé en parc, on voulut se procurer, à un niveau convenable, Peau nécessaire à l’alimentation des lacs et a l’arrosage des parties hautes de cette promenade. Dans ce but, on creusa le puits artésien de Passy, dont les eaux devaient jaillir à la cote de 771,15 au-dessus du niveau de la mer. Les travaux de forage, confiés à un sieur Kind, entre- preneur saxon, moyennant un forfait de 350 ooo francs, furent commencés en 1855. Mais un mouvement important des argiles ayant gravement PÉRIODE DE TRANSFORMATION 39 endommagé le tube de forage et provoqué des travaux de répa- ration considérables, l’opération a duré plusieurs années et les eaux Rejaillirent que le 24 septembre 1860. Le débit du puits qui était primitivement de 16000 m3 s’abaissa progressivement à la suite d’éboulements à la base du tube jus- qu’à 6000 m3 qu’il fournit encore aujourd’hui; mais on avait dû limiter le niveau des eaux jaillissantes à l’altitude de 58 m. suf- fisante pour l’alimentation des lacs. PUITs DE LA PLACE HÉBERT ET DE LA BUTTE AUX CAILLES. ------ Le succès du puits de Passy donna l’idée d’établir sur les points extrêmes de Paris au nord et au sud, à la Place Hébert et à la Butte aux Cailles, deux autres puits artésiens pour fournir à l'industrie des eaux à température élevée. Commencés tous deux en 1863, ils subirent de nombreux accidents suivis d’éboulements et de ruptures de tubes, de sorte qu’après des difficultés sans nombre, le premier,ne fut terminé qu’en 1888 et le second ne l’est pas encore aujourd’hui. 7. Usines de relais. — MÉNILMONTANT. — Le réservoir de Ménil- montant ne pouvant desservir les quartiers hauts de Bellevillc et de Montmartre, pour assurer à ces quartiers la double alimenta- tion, on construisit, en 1866, près du réservoir de Ménilmontant, une petite usine de relais destinée à y puiser l’eau de Dhuis ou de Marne, pour la refouler dans un réservoir à deux étages établi sur la butte du Télégraphe, près du cimetière de l’ancienne commune de Belleville, au sommet le plus haut de la ville. La première moitié seule de ce réservoir a été construite ; sa capacité totale de 18 000 mètres cubes est répartie en deux bas- sins superposés; le compartiment supérieur est affecté à l’eau de Dhuis ; le compartiment inférieur à l’eau de Marne. Place de l’Ourcq. — Après l'achèvement du Parc des Buttes 40 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS Chaumont, pour fournir aux cascades un volume d’eau suffisant qu’on n’aurait pu tirer du réservoir de Ménilmontant sans compro- mettre le service public des XVIIe et XVIIIe arrondissements, on établit en 1867, à l’angle de la rue Lafayette et de la place de l'Ourcq, une usine à vapeur comprenant deux machines du type de celles d’Austerlitz, qui puisent de l’eau d’Ourcq dans le bassin de la Villette et refoulent dans un réservoir spécial de 9 ooo m3 de capacité construit sur les buttes mêmes non loin du nouveau parc. 8. Réservoirs. — Passy. — Déjà en 1858 un grand réservoir à deux étages et cinq compartiments, de 35 ooo m3 de capacité et destiné alors à emmagasiner l’eau puisée en Seine par les machines de Chaillot, avait remplacé la cuve métallique de Dupuit. On lui avait donné le nom de grand réservoir de Passy pour le distinguer du petit réservoir cédé en 1860 à la ville de Paris par la Compagnie générale des Eaux, qui recevait les eaux élevées par l’usine d'Auteuil et ne contenait dans ses quatre com- partiments qu’un volume restreint (2300 m"). GENTILLY. — Sur la rive gauche on avait établi en 1865 sur le territoire de la commune de Gentilly, près de la porte d’Arcueil le premier compartiment d’un réservoir voûté, appelé à recevoir les eaux élevées par l’usine d’Austerlitz, et qui devait, lorsqu’il serait doublé, contenir 10 300 m3 environ; il avait pour objet d’assurer le service public d’une partie des XIIIe, XIVe et XVe arrondissements 9. Fontaines Wallace- — Peu après l’arrivée des eaux de source et pour la mettre partout a la disposition des habitants, un anglais richissime, sir Richard Wallace, offrit a la V illc de faire installer, de scs deniers, pour la boisson, 50 fontaines publiques alimentées en eau de source ; de la le nom de fontaines Wallace que ces PÉRIODE DE TRANSFORMATION 41 petites buvettes populaires ont reçu et conserve. Deux modèles en fonte, tous deux fort gracieux et richement ornés, sont en usage, suivant que l’appareil est isolé au bord d’un trottoir ou adossé contre un mur : des gobelets en métal nickelé y sont appendus par des chaînettes. L’écoulement produit par un filet d’eau y est continu et le débit atteint 4 mètres cubes par jour. 10. Réseau des collecteurs. — Collecteur d’Asnières. — Bel- grand a mené de front, avec l’exécution des aqueducs de déri- vation d’eau de source et des grands travaux d’amélioration de la distribution d’eau, la construction du nouveau réseau d’égouts. Il ne tarda pas à entamer l’établissement des nouveaux collec- teurs qu’il avait conçus. Le plus important, le collecteur d’As- nières, qui écoule les eaux des quartiers les plus populeux et les plus étendus de la rive droite, entrepris en 1857, fut ter- miné en 1861. Il commence à la Place de la Concorde et aboutit en Seine près du pont d’Asnières. Collecteur de la Bièvre. Siphon de l’Alma. — En seconde ligne, le collecteur de la Bièvre, ou collecteur Marceau, détourna sur la rive gauche les eaux de la Bièvre, qui tombaient en Seine près du Jardin des Plantes, et, au moyen du siphon du pont de l’Alma, leur fit franchir le fleuve le 12 novembre 1867 pour les conduire sous le coteau de l’Étoile et leur faire rejoindre le col- lecteur d’Asnières près de son débouché en Seine. Collecteur du Nord. — Un troisième collecteur, dit du Nord, fut en outre construit à frais communs avec l’Etat et la ville de Saint-Denis, pour recevoir les eaux provenant de la zone nord- est du nouveau Paris et les diriger vers la Seine, où il aboutit à Saint-Denis, un peu en amont de la sortie du canal. Collecteurs secondaires. — Les collecteurs secondaires exé- cutés pendant la même période sont : 42 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS Plan des collecteurs en 1878. Sur la rive droite : Le collecteur des Coteaux qui draine les eaux de la partie nord PÉRIODE DE TRANSFORMATION 43 de Paris inférieures au collecteur du Nord et vient se jeter dans le collecteur d’Asnières au boulevard Malesherbes, par la rue de la Pépinière ; L’égout des quais d'amont, qui prolonge le collecteur d’As- nières jusqu’à la gare de l'Arsenal ; L’égout de Rivoli ; L’égout de Sébastopol ; Le collecteur des Petits-Champs ; Enfin l’égout de la rue de la Pompe qui ramène les eaux de Passy au grand collecteur venant de la rive gauche. Sur la rive gauche : Les principaux affluents du collecteur de la Bièvre furent prévus au nombre de six : Le collecteur du XIIIe arrondissement ; L’égout du boulevard Saint-Michel ; L’égout des rues Vaneau et Bellechasse ; L’égout de la Chaussée du Maine ; L’égout de l’avenue Bosquet ; Enfin le collecteur des quais d’aval (exécuté plus tard en 1877) qui avait pour objet de ramener en tête du siphon de l’Alma les eaux de Vaugirard et de Grenelle. EGoUrs ORDINAIRES. — En même temps, on construisait chaque année 35 kilomètres d’égouts secondaires. Arrêté par la guerre de 1870, le mouvement reprit bientôt après, mais l’accroissement annuel fut réduit à 25 kilomètres. 11. Curage des égouts. — Le curage des égouts étant passé en 1859 des attributions de la Préfecture de Police à celles de la Préfecture de la Seine, Belgrand fut appelé à le réorga- niser. 11 en avait grandement besoin, car on en était alors aux procé- dés les plus primitifs : dans toute l’étendue des galeries il se for- 44 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS mait des bancs de sable qu’on n’enlevait qu’à de longs intervalles au moyen d’extraction de nuit par les regards. Belgrand se proposa de supprimer ce mode intermittent de curage, qui laissait dans les intervalles la fermentation se pro- duire avec ses dangers et ses fâcheuses émanations, et entreprit de le remplacer par des procédés nouveaux dont le principe serait au contraire l’entrainement continu des sables. Ne pouvant donner aux galeries une pente suffisante pour que les eaux y prennent une vitesse capable de déterminer cet entraî- nement, il accepta comme une nécessité le dépôt des sables et imagina des engins .spéciaux pour déplacer les bancs dès leur for- mation et les conduire sans arrêt jusqu’à l’embouchure. Tous ont pour base l’emploi d’une vanne mobile épousant la forme de la cunette et déterminant lorsqu’elle est en place une retenue d’eau : grâce à cette retenue et à la chute qui en est la conséquence, on obtient artificiellement et aux points voulus un surcroît de vitesse, qui met les sables en mouvement et en déter- mine la progression comme par l’effet d’une chasse locale éner- gique ; il se forme en avant de la vanne une sorte de dune mouvante qui se met en marche 270710007100000 et que la vanne suit elle-même sans interruption sous l'effet Vanne mobile. de la pression d’eau : l’homme qui la guide n’a qu’à en faciliter par de petites opérations acces- soires le mouvement automatique. Dans les collecteurs la vanne est portée suivant les cas par un bateau pour les ennettes de 31,50 (collecteur d’Asnières) et de 2",20 (collecteurs de Bièvre et Marceau), ou par un truc roulant sur les arêtes des banquettes renforcées par des cornières en fer dites rails, et qu’on appelle wagon-vanne pour les ennettes de 1",20 et au-dessous; dans les siphons elle est remplacée par une boule en bois abandonnée à elle-même et qui produit un effet identique. PÉRIODE DE TRANSFORMATION 45 Dans les égouts plus petits la vanne est portée par une sorte de Vanne écluse. brouette ou tenue à la main ; dans les est constituée par le rabot en bois em- ployé de tout temps pour le curage et au moyen duquel on fait des traînées jusqu’au collecteur le plus proche. L’emploi systématique de la vanne galeries élémentaires elle O Boule de curage des siphons. mobile n’excluait pas d’ailleurs celui des barrages formant retenue Vanne à la main. usités antérieurement et qui ont servi désormais soit à augmenter le tirant d’eau dans les collecteurs à bateau, soit à préparer comme 46 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS antérieurement des chasses dans les égouts insuffisamment pourvus d’eau en temps ordinaire. Des wagonnets circulent sur les rails des collecteurs secon- daires, aidant en certains points à l’extraction des sables, qu’on y charge pour les conduire ensuite souterrainement en quelques points d’évacuation sur le bord de la Seine ou du canal Saint- Martin, où ils sont reçus dans des bateaux destinés à les porter aux décharges. 12. Essai d’épuration des eaux d’égout- — Le nouveau réseau avait assaini Paris, mais les 380 ooo m3 d’eaux souillées que débi- taient chaque jour les 3 grands collecteurs, étaient venus grave- ment altérer la Seine à partir de Clichy jusqu’à Mantes. Il fallait aussi assainir le fleuve, et l’on n’avait garde d’omettre cette partie importante du programme d’ensemble. Dès 1864, des études étaient entreprises à cet effet avant même l’achèvement et la mise en service des grands collecteurs. Mille, à la suite de missions spéciales en Angleterre, en Espagne, en Italie, rapportait la conviction que l’épuration des eaux d’égout par le sol perméable devait fournir la solution du problème ; et, en 1865 il présentait un vaste projet d’épandage agricole sur le plateau de Méry. Malgré les nombreuses polémiques que cette idée nouvelle a soulevées, elle a fini par prévaloir, grâce aux travaux de Marié- Davy, Frankland, de MM. de Freycinet, Schlœsing, etc. ; grâce aussi aux résultats des expériences résolument entreprises et poursuivies avec persévérance par les Ingénieurs du Service mu- nicipal. Des recherches d’essai étaient tentées par Mille à Clichy en 1866, et le succès constaté déterminait en 1868 l'acquisition'de quelques hectares de terrain sur l’autre rive, à Gennevilliers, où l’expé- rience en grand commençait au cours de l’année 1869. Le reten- tissement en fut grand, l’Empereur vint lui-même visiter le Jar- PÉRIODE DE TRANSFORMATION 47 din modèle, et, lorsqu’à la suite d’une interruption forcée durant la période de la guerre l’irrigation fut reprise dans la plaine en 1872, les cultivateurs, en dépit de l’opposition de la munici- palité et d’une partie de la population de Gennevilliers, deman- dèrent eux-mêmes à la Ville d’amener l’eau d’égout jusqu’à leurs champs et apprirent vite à en faire usage au double point de vue de l’hygiène et de l’agriculture. Les pouvoirs publics n’avaient pas attendu cette consécration pour reconnaître le mérite du système. Dès le 10 juillet 1870, après avis conforme du Conseil général des Ponts et Chaussées, le Ministre des Travaux Publics posait en principe que la Ville de Paris était tenue d’assainir la Seine en aval de ses collecteurs et devait continuer, en les développant, les expériences entre- prises à Gennevilliers. Le a4 juillet 1875, après dépôt d’un rapport considérable, rédigé au nom d’une Commission spécialement nommée pour étudier la question et discuté en Conseil général des Ponts et Chaussées, le Ministre prescrivit à la Ville de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour remédier à l’infection de la Seine et, dans ce but, « on doit, disait la décision ministérielle, regarder comme le plus efficace, le plus économique et le plus pratique de tous les moyens actuellement connus, celui qui consiste dans l’emploi de ces eaux à l’irrigation des cultures et dans leur trai- tement par infiltration à travers un sol suffisamment permé- able ». Les Ingénieurs du Service municipal se mirent immédiatement à l’œuvre. Suivant les indications qu’avait fournies la Commission minis- térielle elle-même, ils dressèrent un projet comprenant la conti- nuation des irrigations dans la plaine de Gennevilliers et leur extension sur des terrains domaniaux (fermes, tirés et bois) qui se trouvent sur le territoire d’Achères, à l’extrémité nord-est de la forêt de Saint-Germain. 48 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS 13. Assainissement des habitations.— SYSTÈME DIVISEUR. TINETTES filtrantes. — Antérieurement à cette époque, l’Administration n’exerçait aucune surveillance sur la canalisation intérieure des immeubles et l'évacuation des eaux usées. A partir de 1850, la Commission des Logements insalubres put intervenir dans cer- tains cas, mais ses avis n'ayant que difficilement une sanction efficace restaient trop sou- vent stériles. Belgrand créa en 1864 un service spécial ^assainissement des habi- tations, qui, malgré l'insuf- fisance de la réglementa- tion, ne tarda pas à obtenir d’utiles résultats. On comptait, dès cette époque, 6oo applications des tinettes filtrantes qui laissent écou- ler à l’égout les liquides provenant des cabinets d’aisances en retenant les matières solides : les premiers essais du système diciseur remontaient à 1843, mais le développement en était tout récent encore ; il semblait devoir être une conséquence de l’établissement des branchements particuliers rendus obliga- toires parle décret-loi de i 852. Bientôt l’Administration reconnut la nécessité d’en réglementer l’installation et songea d’autre part à frapper d’une redevance V écoulement des eaux -cannes à l’égout ; un arrêté préfectoral, en date du 2 juillet 1867, fixa les conditions et le tarif applicables aux écoulements d’eaux-vannes par interposition d’appareils diviseurs. A partir de ce moment, ces appareils se multiplièrent rapidement, et, dès 1871, on en comptait plus de 6ooo. Dans un mémoire, daté du 20 septembre de cette même année, Belgrand proposait d’aller plus loin; il voulait rendre obligatoire l’écoulement direct à Végout des liquides provenant des fosses d’aisances pour toute maison pourvue du branchement et même PÉRIODE DE TRANSFORMATION 49 autoriser l’écoulement simultané des solides, c’est-à-dire la pra- tique, qu'on a plus tard baptisée de tout à Végout, toutes les lois que l’égout serait suffisamment pourvu d’eau, sauf à percevoir au nom de la Ville de Paris 3o francs par chute en cas d’interposition d’une tinette filtre, et 50 francs lorsque l’écoulement se ferait directement à l’égout, ce qui procurerait les ressources néces- saires à l’achèvement du réseau des égouts et à la réalisation de l’épuration agricole. On verra plus loin comment cette idée a été ultérieurement appliquée. 14. Nouveau mode de traitement des vidanges- — L’introduction de ces nouveaux procédés demande forcément un temps assez long en raison des modifications importantes et coûteuses qu’elle entraîne dans les immeubles. Aussi la voirie de Bondy devait-elle continuer à recevoir la presque totalité des vidanges. Bien que la Ville de Paris eut porté son attention toute particulière sur l’ex- ploitation de cette voirie et sur le traitement des matières qui y étaient apportées chaque jour, elle ne put éviter qu’il ne se formât dans les bassins un stock considérable dont la fabrication de la poudrette ne parvenait pas à les débarrasser et qui susci- tait des plaintes légitimes de la part des habitants du voisinage. Les événements de 1870, en obligeant à suspendre tout traite- ment à Bondy, ne tardèrent pas à rendre la situation intolérable. Le bail de la Société Richer, qui avait succédé à divers entrepre- neurs et qui, en dernier lieu, payait à la Ville environ 460 000 francs par an, à raison de o fr. 80 par m3 de matières apportées à Bondy, venaitd’expircr. On ne put s’occuper d’une adjudication qu’en 1872. A cette époque l’introduction d’un mode nouveau de traitement, qui avait pour objet la production de sulfate d’ammoniaque, fit concevoir de magnifiques espérances qui, malheureusement, ne se réalisèrent pas. Différentes entreprises renouvelèrent des ten- tatives qui, toutes, aboutirent à des échecs. Entre temps, le stock avait pris un accroissement formidable, les bassins de Bondy BECIMANN. — Eaux de Paris. . 4 5 O LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS regorgeaient ; on dut écouler en partie les matières de vidange à la Seine. Quelques personnes crurent trouver un remède à cet état de choses dans le monopole de la vidange ; mais le Conseil muni- cipal en repoussa le principe en 1876, en écartant les proposi- tions de l’Administration qui tendaient à donner à la Société Lesage la concession de la vidange et de la voirie de Bondy. Le monopole s’établit quand même en fait par suite de la for- mation de deux grandes entreprises, qui ne tardèrent pas à englober toutes les petites et dont une a fini par racheter l’autre. Et, en renonçant au passage obligatoire des matières par le dépo- toir, l’Administration municipale laissa créer des voiries particu- lières et des fabriques de sulfate d’ammoniaque, en divers points de la banlieue, ce qui malgré la surveillance de la Préfecture de Police, donna bientôt naissance à de sérieux inconvénients : les odeurs que les vents du nord, rares à Paris, pouvaient seuls ame- ner de Bondy, y arrivèrent de divers côtés désormais et soulevè- rent d’ardentes protestations. 15. Couverture du canal Saint-Martin. — La partie inférieure du canal Saint-Martin a subi pendant cette période une transforma- Profil normal. Couverture du canal Saint-Martin. PÉRIODE DE TRANSFORMATION 51 tion complète : un remaniement du profil en long a permis de le recouvrir d’une voûte et de le convertir de la sorte en un sou- terrain, éclairé et aéré de distance en distance par des orifices dis- simulés au milieu des jardinets que l’on a créés pour l’embellis- sement de la promenade, établie au-dessus de la voûte, qui forme une large contre-allée entre les deux anciennes chaussées des quais. 16. Situation en 1878. — Les eaux. — A la mort de Belgrand, en 1878, le volume des eaux mis chaque jour à la disposition des Parisiens était de 370 ooo mètres cubes, alors qu’il atteignait à peine 8o ooo mètres cubes, lorsqu’il prit possession du service en 1854. En voici la répartition : Eaux de rivières. Eau de l’Ourcq..................................... 105 ooo Eau de Seine........................................ 88 ooo ‘ 241 ooo Eau de Marne........................................ 48 ooo ) Eaux de sources. Eau d’Arcueil et des Puits artésiens . . . 7 ooo Eau de la Dhuis..................................... 22 000 ‘ 129 000 Eau de la Vanne.................................... 100 ooo ) Total général................... 370 ooo En même temps que s’élevait ainsi le chiffre de l’alimentation, la consommation publique et privée prenait un développement considérable, d’un côté par l’établissement de nombreux appa- reils publics, bouches d’arrosage, d’incendie et de puisage, de l’autre, par l’augmentation du nombre des abonnements. Les égouts. — La longueur totale des égouts publics était montée pendant la même période de 42300 mètres à 619715 mètres ainsi décomposés. Egouts collecteurs généraux................................... 3i 226 m. — secondaires............................. 38 788 Egouts ordinaires (nouveaux types)............................... 571 — (anciens types)............................................... 130 Total égal....................... 619 715 m. 52 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS Il existait, en dehors des égouts publics, sous les voies publiques : Des branchements de bouches d’une longueur de....................... 41115 m. Des branchements de regards d’une longueur de....................... 23 o38 En outre des branchements particuliers, au nombre de 23 600 d’une longueur de................................................... 140 000 Total...................................204 153 m. LES vidanges. — Le nombre des fosses fixes qui, jusqu’en 1867, desservaient à peu près généralement toutes les maisons de Paris, avait commencé à décroître dès cette époque, par l’emploi des fosses mobiles d’abord, puis de la tinette filtrante, que l’introduc- tion de l’eau dans l’habitation tendait d’ailleurs à développer chaque jour : en 1878, 14 ooo chutes étaient desservies par ces appareils. CHAPITRE IV PÉRIODE DE DÉVELOPPEMENT (1878-1891) ALPHAND ET SES COLLABORATEURS 1. Nouvelle organisation. — A la mort de Belgrand, survenue en 1878, le service des eaux et des égouts qu’ils dirigeait depuis vingt-cinq ans fut réuni aux attributions d'Alphand, dont la direction comprenait déjà les services de la voie publique, de l’éclairage et des promenades. Des fonctions aussi multiples et aussi étendues ne permettaient pas au directeur unique des travaux de Paris de se consacrer personnellement à la branche qui avait absorbé toute l’activité de Belgrand : son premier soin fut en conséquence de remanier les attributions de l’ancien personnel, de manière à augmenter la part d’initiative et de responsabilité de chacun des chefs de ser- vice, tout en conservant la tradition établie, de sorte que l’œuvre n’a été ni interrompue ni ralentie et qu’elle a reçu son dévelop - pement normal d’après les bases primitivement arrêtées. 2. Extension rapide du système. — C’est sur ces bases mêmes qu’il traçait, dans une note présentée au conseil municipal en 1879, le programme des travaux à entreprendre. Il s’agissait, d’une part, de compléter l’alimentation du service privé, d’é- tendre celle du service public, manifestement insuffisante, et de poursuivre l’établissement systématique de la double canalisation. De l’autre, il fallait donner une extension rapide à la construc- 54 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS tion des égouts élémentaires, afin de préparer la solution pro- chaine de la question des vidanges, puis réaliser sans retard l’as- sainissement de la Seine par l’épuration agricole. Les travaux ne tardèrent pas à recevoir dans ce sens une impul- sion nouvelle. En douze ans, le double réseau de la distribution d’eau s’augmentait de plus d’un tiers ; celui des égouts suivait une progression parallèle sinon plus accentuée encore : en une seule année, 1880, on en construisait plus de 41 kil. ; l’un et l’autre s’étaient améliorés par l’adjonction de nouvelles conduites maî- tresses et de collecteurs secondaires. L’aqueduc de la Vanne voyait son débit augmenté et assuré ; de nouvelles usines étaient mises en service, de nouveaux réservoirs construits ou projetés. Après une étude approfondie, confiée à une commission d’ingénieurs et d’hygiénistes éminents, on décidait l’application du système uni- taire, dit du « tout à l’égout », par l’envoi des matières liquides et solides provenant des cabinets d’aisances dans les galeries qui recevaient déjà les eaux pluviales et ménagères. Enfin on obte- nait du Parlement, après de longues et vaines discussions, la déclaration d’utilité publique nécessaire pour créer un autre champ d’épuration sur les terrains domaniaux d'Achères et une nouvelle dérivation d’eau de source. 3. Amélioration du service privé. — L’aqueduc de la Vanne n’avait pas encore son plein débit en 1878. Pour le parfaire, il y avait encore à capter diverses sources dans la vallée de la Vanne, à y ramener la source de Cochepies, achetée par la Ville dans le val du rû Saint-Ange, affluent de l'Yonne, à compléter les ouvrages destinés à l’élévation des sources basses. L’aqueduc du Maroy, qui recueille entre Chigy et Theil un certain nombre d’émergences, date de cette époque : il est venu augmenter le volume d’eau qu’élèvent les usines hydrauliques de La Forge et de Malay, et l’on a dû y adjoindre des machines à vapeur, qui ont été installées à La Forge en 1882. Simultanément on perçait PÉRIODE DE DÉVELOPPEMENT 55 un souterrain sous le plateau crayeux qui sépare le vallon de Cochepies de la vallée de la Vanne, pour l’établissement d’un aqueduc secondaire destiné à fournir un utile appoint en temps de sécheresse ; et une usine mixte, hydraulique et à vapeur, établie à Maillot, fournissait la puissance nécessaire pour refouler l’eau ainsi dérivée jusque dans l’aqueduc. En même temps que s’exécutaient ces travaux complémentaires, on était obligé de reprendre et de renforcer certaines parties de l’aqueduc principal, particulièrement exposées aux atteintes des agents atmosphériques, et dont les maçonneries, très minces, les profils, d’une hardiesse jusqu’alors inconnue, ne présentaient pas de garanties suffisantes pour une longue du- rée. Les arcades en élévation notamment, fissurées par l’effet des variations de tempé- rature , laissaient s’échapper l’eau en gout- telettes nombreuses, qui ne tardaient pas à menacer la solidité des fondations, assises sur un terrain dur mais susceptible d’être délayé par un écoulement d’eau continu : on est parvenu à faire disparaître ces suin- Modification du profil - 1 extérieur de 1 aqueduc tements dangereux, soit en recouvrant les de la Vanne, voûtes apparentes d’une couche de terre ga- zonnée, maintenue entre deux murettes, soit en adaptant sur le périmètre mouillé une feuille mince de plomb qui en assure l’étanchéité parfaite. Dès 1881, sept ans seulement après la mise en service de la dérivation de la Vanne, l’insuffisance du volume disponible en eau de source se manifestait durant les chaleurs de l’été, par suite d’une augmentation considérable et subite de la consom- mation, due surtout à des écoulements continus motivés par la fraîcheur de l’eau. Tout en cherchant à enrayer le gaspillage par l'introduction de compteurs, tout en demandant à l’emploi momentané d’eau de Seine le complément d’alimentation devenu 56 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS parfois indispensable, on entreprend dans le bassin de la Seine une reconnaissance générale des sources hautes, en vue de com- pléter l’inventaire dressé par Belgrand et de préparer pour l’a- venir de nouvelles dérivations. L’apparition du choléra en 1884, ayant appelé l’attention sur les dangers de la distribution d’eau de Seine pour les usages domestiques et sur la nécessité d’augmenter l’approvisionnement en eau de source. les résultats de la reconnaissance effectuée de- puis 1881 durant la saison favorable de chaque année permettent de réaliser en quelques semaines d’importantes acquisitions, qui sont ratifiées parle Conseil municipal le 28 janvier 1885. Couche, ingénieur en chef des eaux, propose d’utiliser plusieurs des groupes de sources, dont la propriété vient d’être ainsi acquise, en établissant une dérivation bilatérale, dont une branche irait chercher vers l’Ouest les sources de l’Avre, tandis que l’autre, se dirigeant vers le Sud-Est, irait prendre les sources du Loing et du Lunain, du Durteint et de la Voulzie, et qui serait capable de fournir un supplément de 240 000 mètres cubes par jour. Le projet de la première branche, celle de l’Avre, est mis immédia- tement à l’étude; mais la mort tragique de Couche, au mois d’aoùt 1885, et le passage du service des dérivations entre les mains de son collègue Humblot, déterminent un temps d’arrêt, et c’est seulement le 5 juillet 1890, après une longue instruction et une discussion ardente, que la loi déclarative d’utilité publique est promulguée, de sorte que les travaux n’ont pu être entrepris qu’en 1891. 4. Amélioration du service public. — Pour l'amélioration du service public une nouvelle prise d’eau est faite a Ivry, en amont et a peu de distance du confluent de la Marne : une grande usine, composée de six groupes de machines élévatoires à vapeur, de mille chevaux de force totale, y est installée sur un terrain assez vaste, pouvant se prêter ultérieurement à une augmentation PÉRIODE DE DÉVELOPPEMENT 57 de moitié en plus; 85 000 mètres cubes d’eau puisée en Seine à Ivry sont refoulés à 4 kil. de distance dans un nouveau réservoir couvert établi sur le versant nord du coteau de Villejuif et dont le trop-plein est placé à l’altitude de 89 mètres au-dessus du niveau de la mer : là encore le terrain acquis est assez grand pour se prêter à une extension de l’ouvrage, qui, d’abord construit avec une capacité de 25 000 mètres cubes, pourra être doublé plus tard. En même temps, on achève le réservoir de Gentilly par la construction d’un deuxième compartiment. D’autre part, et pour renforcer l’alimentation de la rive droite insuffisamment desservie par le réservoir de Villejuif et l’usine d’Austerlitz, on décide l’établissement d’une usine nouvelle en face de cette dernière, sur le quai de la Râpée : quatre machines à vapeur, de 600 chevaux de force totale, puisent en Seine à Bercy, depuis 1888, jusqu’à 60 000 mètres cubes, et les élèvent à la cote 82",50 dans une bâche en tôle construite place Saint- Pierre au pied de la Butte Montmartre. L’eau de l'Ourcq arrivant sans pression dans le quinzième arrondissement, on y supplée par l’envoi de 15 000 mètres cubes d’eau de Seine, puisée au quai de Javel, dans un nouveau réser- voir de 6 000 mètres cubes de capacité construit à Grenelle en 1888, rue de l’Abbé-Groult. L’alimentation du canal de l’Ourcq lui-même est complétée, en parant aux chômages périodiques des usines hydrauliques, par l’installation à Trillardou d’une usine à vapeur de secours en 1889 : cette usine, de 240 chevaux de force, peut élever 8 0 0 0 0 mètres cubes d’eau de Marne par jour dans le bief voisin du canal. Le service des quartiers hauts n’est pas oublié : l’usine de relais de Ménilmontant transformée reçoit des machines plus puis- santes ; une nouvelle usine construite place Saint-Pierre à côté de la bâche de Bercy, remplace la petite installation tout à fait insuffisante qui avait passé successivement de la rue de la Fon- taine-du-But au passage Cottin, pour le service de la Butte 58 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS Montmartre, et un petit relais établi a Montsouris, dans l’enceinte du réservoir de la Vanne, est destiné à fournir de l’eau de source dans le haut quartier de Plaisance. Une bâche en tôle est dis- posée à cet effet, tandis qu’au sommet de Montmartre, à côté de l'église du Sacré-Cœur, le petit réservoir Saint-Eleuthère est remplacé, en 1889, par un ouvrage important et monumental, qui renferme trois étages d’eau superposés, dont le plus élevé atteint l’altitude de 136 mètres au-dessus de la mer. 5. Introduction des compteurs. — Depuis longtemps on se pré- occupait des moyens de mesurer efficacement l’eau délivrée aux abonnés, afin d’enrayer la progression trop rapide de la con- sommation, qui était due en grande partie à la défectuosité des modes de livraison alors en usage : robinet libre pour les par- ticuliers, jauge pour l’industrie. Les perfectionnements apportés a la construction des compteurs d'eau et l’abaissement consé- cutif du prix de ces appareils fournirent enfin la solution qu’on avait demandée vainement à l’emploi de robinets incalables de divers types ; et l’on résolut d’imposer le compteur pour la four- niture d’eau de source, ce qui entraînait un remaniment des tarifs et de nouvelles conventions avec la Compagnie générale des eaux. Un arrêté, en date du 15 octobre 1880, fixa les conditions auxquelles devaient satisfaire les systèmes de compteurs pour être admis dans le service de la distribution de Paris, et chaque appareil individuellement, pour recevoir le poinçon administratif. Un atelier d'essai, créé a cet effet sur le quai Henri IV, permit d établir que les seuls systèmes capables de donner une approxi- mation suffisante et des garanties sérieuses dans le comptage étaient ceux où le volume de l’eau est effectivement mesuré et qui sont appelés en conséquence compteurs de volume : quatre types furent dès l’origine autorisés concurremment ; d’autres vinrent plus tard s’y adjoindre, après avoir subi de longues séries d’épreuves et passé par plusieurs phases d’autorisations partielles. PÉRIODE DE DÉVELOPPEMENT 59 La Compagnie, se prêtant aux modifications dont la nécessité s’imposait, acceptait de remplacer le traité du II juillet 1860 par un traité nouveau qui porte la date du 20 mars 1880. Sans modifier la durée de la régie intéressée, ce traité a établi un nouveau mode de tarification pour les abonnements en eau de source, réduit le minimum obligatoire, fixé des bases différentes pour l’application de l’abonnement à robinet libre, réglé le mode de location par la Compagnie et les prix de location et d’entretien des compteurs, organisé un système de pose gratuite des colonnes montantes dans les maisons non abonnées et les voies privées, à l’imitation de ce qu’avait fait la Compagnie du Gaz et pour favoriser ainsi la multiplication des abonnements, etc. 6. Service d’incendie. — Bouches pour pompes a vapeur. — On se préoccupait en même temps de transformer le service d’ex- tinction des incendies par l’introduction soit de l’emploi généra- lisé du jet direct, soit des pompes de grande puissance à vapeur. Les conditions particulières auxquelles est assujetti le service public parisien, qui à certaines heures consomme d’énormes quantités d’eau simultanément dans tous les quartiers au niveau de la voie publique, déterminent dans la canalisation d’eau de rivière des variations considérables de pression; d’ailleurs la pression est faible dans tout le réseau alimenté par le canal de l'Ourcq : on ne pouvait donc obtenir le jet direct qu’en bran- chant les appareils sur les conduites d’eau de source, qui pré- sentent seules la permanence de pression indispensable et auxquelles il avait déjà fallu s’adresser pour la manœuvre des ascenseurs hydrauliques. Il fut décidé que les nouvelles bouches pour pompes à vapeur, de o, 10 m. de diamètre, sur lesquelles vien- draient s’adapter les raccords multiples pour le jet direct, seraient en conséquence alimentées en eau de source ; et le service des pompiers demanda qu’elles fussent établies à 100 mètres au plus de distance, ce qui impliquait la pose de 6000 appareils de ce 6o LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS type dans l’étendue de Paris. — Entreprise résolument, pour- suivie dès lors d’année en année, cette création ne tarde pas à donner à la population parisienne un surcroît très apprécié de sécurité, tout en supprimant la vieille pratique de la chaîne, à laquelle étaient jadis assujettis les voisins ou les passants, et qui avait pour objet d’alimenter les pompes à bras alors en usage, au moyen de seaux en toile qu’on se passait de main en main. 7. Insuffisance progressive de l’eau de source. — PRATIQUE DES substitutions D'EAU de RIVIÈRE. — Malgré l’introduction des compteurs, qui, répondant à l’espoir qu’ils avaient fait conce- voir, eurent bien pour effet d’arrêter pendant quelque temps la progression effrayante de la consommation, il fallut bientôt reconnaître que cette mesure même généralisée n’aurait qu’un effet momentané, et que de nouvelles adductions d’eau de source devaient être entreprises. Malheureusement, les acquisitions de sources faites en 1884 restèrent trop longtemps sans utilité en attendant que les pro- jets de dérivation eussent été dressés et soumis à l’approbation des pouvoirs publics : et, chaque année, on se trouva obligé, soit de faire appel a la population et de lui recommander l’usage modéré de 1 eau de source, soit de revenir dans certains quar- tiers au remplacement de l’eau de source par l’eau de rivière dans la canalisation du service privé, dès que l’apparition des chaleurs déterminait un accroissement brusque delà consomma- tion. Le premier de ces expédients était assez mal reçu par la population ; le second ne tarda pas a soulever de vives réclama- tions parmi les hygiénistes, qui, depuis l’apparition de la théorie de l’étiologie hydrique de certaines maladies et en particulier de la fièvre typhoïde, signalaient hautement les inconvénients d’une pareille pratique. On prit soin sans doute de localiser les subs- titutions d’une manière très nette, de les annoncer d’avance par voie d affiches et dans les journaux, de les opérer successivement PERIODE DE DÉVELOPPEMENT 61 grâce à un système de roulement convenablement établi entre les divers arrondissements, en limitant chaque fois à un petit nombre de jours le service en eau de rivière. Il n’en résulta pas moins un fâcheux discrédit pour le service des eaux de Paris, que Bel- grand, par une sorte de divination antérieure aux découvertes de Pasteur et aux divulgations de la bactériologie, avait voulu cependant pourvoir d’eaux salubres choisies parmi les plus belles et les plus naturellement pures. Une fois le soupçon introduit dans les esprits, on ne tarda pas à croire à des substitutions clan- destines, à des mélanges inavoués, et l’Administration malgré les assertions formelles, les déclarations les plus loyales, les agissements les plus corrects, ne put se défendre contre d’injustes accusations, ni remonter un courant d’idées déplorable, qui eut pour conséquence d’amener les Parisiens à méconnaître les qua- lités de l’eau qui leur était servie pendant l’année presque tout entière, à la filtrer par les procédés les plus divers, à la faire bouillir, à la remplacer par de l’eau minérale, toutes précautions qu’on n’avait point songé à prendre quand Paris était alimenté exclusivement en eau de Seine ou de l’Ourcq et auxquelles les mêmes Parisiens ne songeaient plus, dès que, sortis de Paris, ils buvaient dans la banlieue, dans les stations balnéaires, en pro- vince ou à l’étranger, des eaux quelconques infiniment moins pures et moins salubres. C’est à peine si l’arrivée de l'Avre en 1893 et l’installation d’un grand établissement de filtrage en 1897, ont calmé quelque peu des appréhensions dont l'écho a retenti jusque dans l’enceinte du Parlement, si bien que les appréciations les plus erronées ont été répandues au dehors, alors précisément que Paris conviait les peuples aux iètes de l'Exposition Universelle de 1900! Et cepen- dant il n'y a eu que des substitutions de quelques jours et limitées à des périmètres très restreints en 1895 et.en 1898; on n’y a pas eu le moindrement recours en 1899, malgré une.sécheresse extraor- dinaire comme on n’en avait pas vu depuis nombre d’années ; et 62 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS la mise en service des filtres d’Ivry ainsi que de la dérivation du Loing et du Lunain en 1900 va définitivement y mettre un terme. Peut-être alors se produira-t-il une réaction, surtout quand 011 aura vu supprimer les derniers appareils, au nombre de dix seulement qui se prêtent encore à la mise en communication possible des deux réseaux. 8. L’écoulement direct et l’épuration agricole- — L’administra- tion avait proposé en 1880 la vidange obligatoire à l’égout, l’éta- blissement d’une taxe correspondante, et l’affectation du produit ration des eaux d’égout. Une grande commission technique, appelée le 25 octobre 1882, à rechercher « le meilleur procédé » à employer pour atteindre le but, après s’être livrée à une étude très complète et très approfondie, complétée par des visites à Londres, à Bruxelles et à Amsterdam, se prononçait formellement le 23 décembre 1882 en faveur de l’épuration par le sol, et le 28 juin 1883 pour l’envoi direct des matières de vidange à l’égout. En conséquence un projet de règlement et un projet de loi, rédigés en vue de l’application de ces principes, furent présentés au conseil municipal le 14 novembre 1883, approuvés par cette assemblée le 11 avril 1884, puis mis à l’enquête du 20 au 28 mai de la même année : sur le vu des résultats de cette enquête, où 5269 personnes avaient déposé 4 844 dires favorables et 425 défa- vorables, le conseil municipal autorisait le 3i juillet 1886 l’essai du nouveau mode de vidange dans les maisons riveraines des égouts lavés par un large courant d’eau, et un arrêté préfectoral du 10 novembre 1886 réglementait cet essai, édictait les condi- tions à imposer pour le bon fonctionnement des canalisations intérieures dans les maisons et fixait le montant de la redevance a 60 francs par chute. Le 20 novembre 1887 un autre arrêté étendait aux installations nouvelles d’appareils diviseurs les PÉRIODE DE DÉVELOPPEMENT 63 règles adoptées précédemment pour l’évacuation des eaux usées dans les maisons pratiquant l’écoulement direct. Sous ce régime purement facultatif, qui a duré jusqu’en 1894, le nombre des installations, d’abord assez restreint, n’a pas tardé à se déve- lopper et plusieurs milliers de chutes ont été directement rac- cordées aux égouts publics. D’autre part, le projet établi en 1875 pour l’extension des irri- gations à l’eau d’égout dans les terrains d’Achères, remanié en 1880, de manière à satisfaire aux observations auxquelles il avait donné lieu à l’enquête de 1876, était enfin transmis au Parlement avec un projet de loi tendant à l’affectation des terrains domaniaux et à la déclaration d’utilité publique des travaux. 11 donna lieu à des discussions passionnées et à une instruction interminable ; mais son auteur, Alfred Durand-Claye, sut, par une active propagande, qui lui a valu la qualification d’apôtre du tout à l’égout et de l’épandage, faire passer sa con- viction intime dans beaucoup de bons esprits, et les savants rap- ports de M. le Dr Bourneville à la Chambre des députés (1885 et 1887) et de M. le professeur Cornil au Sénat (1888), mirent en évidence la valeur du système de l’épuration par le sol, démontrèrent sa supériorité incontestable et son innocuité au point de vue de la salubrité du voisinage, répondirent à toutes les objections, et une loi du 4 avril 1889 vint enfin consacrer le double principe de l'écoulement direct et de l’épandage agricole, en autorisant l’épuration des eaux d’égout additionnées des ma- tières de vidange, à raison de 40000 mètres cubes par hectare et par an, sur 800 hectares de terres domaniales (fermes et tirés) déta- chées de la forêt de Saint-Germain et qui sont devenues le parc agricole d’Achères. Durand-Claye n’a pas assisté à ce triomphe final de ses idées : il était mort subitement à 46 ans en 1888. 9. Adaptation des égouts à l’écoulement direct. — Pour l’appli- cation de ces principes nouveaux, il y avait de grands travaux à 64 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS entreprendre, soit pour l’exécution des ouvrages complémen- taires, soit pour la transformation nécessaire et l’adaptation des anciens ouvrages. Les décisions prises dès 1883 au sujet de l’écoulement direct impliquaient en particulier l’introduction de dispositifs nou- veaux dans les égouts de Paris, afin d'y assurer partout le rapide entraînement des matières. Alfred Durand-Claye avait alors proposé de recourir pour le lavage périodique des égouts élé- mentaires a des chasses régulières obtenues par le départ auto- matique et subit de masses d’eau emmagasinées à cet effet et fournies par la distribution d’eau de rivière ; et, pour assurer l’efficacité de ces chasses, il avait substitué aux anciens radiers aplatis une petite cunette destinée à concentrer les eaux dans une section plus étroite et à en augmenter par là même la vitesse, tandis qu’une banquette latérale surélevée rendrait la circulation dans les galeries souterraines plus facile encore et moins répugnante que par le passé. En outre il avait recommandé de raccorder désormais tous les égouts par des courbes dirigées dans le sens de l’écoulement, et de nombreuses mesures de détail ont été prises pour s’opposer partout a l’arrêt des matières et en faciliter de toutes manières l’évacuation. 10. Améliorations du réseau des collecteurs. — Le réseau des collecteurs, où 1 eau coule en abondance et prend partout une vitesse suffisante pour 1 entrainement rapide des matières, n’appelait point de semblable transformation. Et il a suffi de le tenir à la hauteur des besoins en le complétant par la construc- tion d’artères complémentaires, de branches nouvelles. Une amélioration digne d’être mentionnée a été réalisée en 1891 par le rattachement au système général, grâce à l’établis- sement de deux siphons, du type de celui de l’Alma mais de moindres diamètres, des réseaux des îles Saint-Louis et de la PÉRIODE DE DÉVELOPPEMENT 65 Cité, qui jusqu’alors débouchaient encore en Seine au centre même de Paris. L’écoulement se faisait mal dans certaines régions basses où s’étendait le reflux des collecteurs : elles furent isolées, on y créa des points bas, où furent installées des usines destinées à refouler les eaux à un niveau d’où elles s’écoulent désormais avec une pente suffisante. L’usine de la place Mazas relève de la sorte les eaux de la partie basse du XIIe arrondissement et les fait passer au-dessus de la dernière écluse du canal Saint-Martin, pour les déverser dans le collecteur des quais de rive droite ; celle du quai des Orfèvres draine les cours du Palais de Justice et a facilité jusqu’à ces derniers temps le fonctionnement du siphon de la Cité. 11. Usine municipale de Bondy. — Cette période a vu s’améliorer aussi la situation de la voirie de Bondy. Un nouveau régime, établi en 1882, mit fin aux déversements de vidanges en Seine en assurant le traitement simultané des arrivages et du stock. Les deux principales entreprises de vidanges furent autorisées à établir dans l’enceinte de la voirie des usines de traitement dans lesquelles elles s’engagèrent à recevoir et à transformer au jour le jour les matières reçues au dépotoir ; divers industriels leur vinrent en aide par la création d’usines analogues pour la fabrication du sulfate d’ammoniaque dans la zone d’isolement. D'autre part le stock était livré à un concessionnaire spécial qui s’engageait, après avoir installé un outillage approprié dans les bâtiments abandonnés par les anciens exploitants, à le traiter complètement dans un délai déterminé, de manière à débarrasser entièrement les bassins et à livrer finalement à la ville une usine capable de concourir dans une proportion intéressante à la trans- formation des arrivages. Malgré des difficultés assez nombreuses et des vicissitudes diverses le régime établi en 1882 a rempli le but qu’on lui avait assigné ; le stock, qui avait été longtemps le BECHMANN —- Eaux de Paris. 5 66 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS cauchemar du service de l’assainissement de Paris, a disparu totalement après des prolongations successives du délai imparti au concessionnaire, et la ville s’est trouvée propriétaire d’une usine municipale qui a permis bientôt la suppression des usines de la zone d’isolement et a concouru dès lors avec celles de la Compagnie Fresne, restée seule dans la voirie, au traitement régulier des arrivages. Les eaux résiduaires auxquelles donne lieu la fabrication du sulfate d’ammoniaque s’écoulaient à l’origine dans l’égout de Pantin qui les conduisait en Seine : l’établissement d’une con- duite de retour parallèle à la conduite d’envoi des matières sous l’une des berges du canal de l'Ourcq a permis de les ramener au dépotoir, où, après mélange avec un volume très supérieur d’eau propre empruntée au bassin de la Villette on les rejetait dans les égouts. 12. Amélioration des canaux. — De nombreux travaux exécutés sur le parcours des canaux ont contribué soit à rendre l’écou- lement de l’eau plus facile et plus abondant, soit à améliorer les conditions de la navigation ou du transit des marchandises. 11 convient de citer : l’approfondissement du bassin de la Vil- lette; la construction de magasins sur les deux rives ; l’établisse- ment d’une galerie spéciale qui a reporté à la gare circulaire^ origine du canal Saint-Denis, la prise d’eau servant à l’alimen- tation du service public dans Paris ; l’élargissement de divers biefs pour la création de ports ; la construction ou la réfection de plusieurs ponts ; enfin l’entreprise de la transformation complète du canal de Saint-Denis, marquée par la construction de la grande écluse de 9",92 de chute, unique en son genre, qui a procuré à la navigation des avantages très appréciés et dont elle a été particulièrement reconnaissante à l’ingénieur qui l’a conçue et réalisée, Humblot. CHAPITRE V TRAVAUX RÉCENTS Depuis la mort d’Alphand, l’impulsion qu’il avait donnée a l’ensemble des services des eaux et des égouts a continué de porter ses fruits, et les travaux dont il avait fait dresser les projets et préparé l’accomplissement ont été successivement exécutés. C’est ainsi que la dérivation de l'Avre, à peine commencée en 1891, était terminée au mois de mars 1893; elle amène depuis lors sur les hauteurs de Montretout, à l’altitude de 107 mètres au-dessus de la mer, ioo ooo mètres cubes d’eau de source par jour en temps normal. L’opération d’Achères menée avec activité depuis 1892, s’est achevée en 1895, et l’exploitation du nouveau champ d’épuration, accru d’une surface de 200 hectares acquise directement par la Ville de Paris, a largement répondu aux espé- . L’obligation de l’écoulement direct rances du service municipal a été enfin édictée par la loi du 10 juillet 1894, qui, en fixant le taux de la nouvelle taxe de vidange, en a fait état pour gager un emprunt de 116 500 0 0 0 francs destiné à couvrir les dépenses d’appropriation définitive et d’achèvement du réseau des égouts et collecteurs, d’extension des irrigations à l’eau d’égout en vue de réaliser l’épuration du débit total des collecteurs parisiens, de dérivation des sources du Loing et du Lunain et de travaux complémentaires de canalisation et de construction d’usines pour le service des eaux. 68 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS Malgré l’échelonnement obligé des dépenses résultant du mode d’émission successive adopté pour l’emprunt, malgré la résis- tance du syndicat des propriétaires qui s’est employée a enrayer le développement de l’écoulement direct, malgré la nécessité de faire passer la dérivation du Loing et du Lunain avant l'achève- ment de l’émissaire général des eaux d’égout, les conséquences de la loi d’assainissement ont été considérables. Le réseau des collecteurs devenu insuffisant pour écouler une masse d’eau de plus en plus considérable, a été complété par l’exé- cution d’un nouveau siphon au pont de la Concorde et du grand collecteur de Clichy ( 1 895-1898), qui a donné lieu a la première application du bouclier pour l’exécution a faible profondeur de galeries en maçonnerie sous les voies publiques à grande circu- lation. Le système de l’écoulement direct, du tout à l’égout, est à peu près entré dans les mœurs et se développe progressivement dans tous les quartiers, appliqué sans exception dans les maisons neuves et réclamé par les locataires dans les maisons anciennes; la voirie de Bondy vient d’être définitivement fermée. Une nou- velle et importante étape dans la voie de l’assainissement de la Seine a été accomplie par le prolongement de l’émissaire général des eaux d’égout jusqu’à Triel, déclaré d’utilité publique par décret du ii avril 1896, et l’ouverture des champs d’épuration nouveaux de Méry-Pierrelaye et Carrières-sous-Poissy-Triel qui ont permis de fermer le 8 juillet 1899 le débouché en Seine des collecteurs parisiens, en attendant que le prolongement prochain vers les Mureaux vienne donner au système des irrigations et de l'épuration agricole toute l’ampleur qu’il comporte. La création de filtres à sable à Saint-Maur en 1897, à Ivry en 1899, qui permettent d’épurer chaque jour 60 000 mètres cubes d’eau de Marne ou de Seine, fournit un moyen de parer aux exigences momentanées de la consommation durant les grandes chaleurs, en ajoutant aux eaux de source un appoint relativement important en eau moins fraîche, sans doute, mais également TRAVAUX RÉCENTS 69 limpide et salubre. L‘installation de nouvelles machines éléva- toires à Ivry, Saint-Maur, Montmartre, la construction de réser- voirs a Passy, Charonne, Montretout, la pose de grosses cana- lisations supplémentaires, mettent peu à peu l’outillage de la distribution d’eau à la hauteur de besoins constamment et rapi- dement croissants. Enfin la dérivation des sources du Loing et du Lunain, autorisée définitivement par la loi du 21 juillet 1897, s’est terminée à point pour fournir 50 000 mètres cubes d’eau de source par jour en plus dans le service privé au moment précis où l’Exposition Universelle, ouvrant ses portes, allait demander à la distribution d’eau un effort exceptionnel. DEUXIÈME PARTIE L’ÉTAT ACTUEL CHAPITRE PREMIER VUE D’ENSEMBLE 1. Outillage général. — La distribution des eaux d’alimentation et l’évacuation des eaux souillées sont à Paris entre les mains du Service municipal, qui dirige toute l’exploitation du vaste en- semble d’ouvrages destiné à desservir la population de près de 2 600 000 habitants répartie sur le territoire de 7 800 hectares de superficie que limite l’enceinte fortifiée. Il dispose à cet effet d’un outillage comprenant : i° Pour les eaux d’alimentation : 7 dérivations dont cinq très importantes ; 25 usines élévatoires hydrauliques ou à vapeur, représentant une puissance totale de plus de 6 000 chevaux ; 21 réservoirs d’une capacité supérieure à 800 000 mètres cubes ; 2 réseaux complets de conduites publiques, d’une longueur totale de près de 2 600 kilomètres, avec 26 000 appareils divers et 90 000 prises pour abonnements ; 20 Pour les eaux usées : Un réseau d’égouts unique de près de 1 100 kilomètres de développement, composé exclusivement de galeries accessibles en maçonnerie, dont 78 kilomètres de collecteurs, avec 3 usines élévatoires, 3 200 réservoirs de chasse, i3 500 bouches, 2 0 0 0 0 72 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS regards, 50 ooo égouts particuliers, 500 kilomètres de branche- ments ; 3° Pour l’épuration agricole de l'efflux urbain : Un émissaire et des conduits capables d écouler i ooo ooo de mètres cubes par vingt-quatre heures ; 3 usines élévatoires de 5 ooo chevaux de force totale ; 4 champs d’épuration municipaux de plus de i 6oo hectares de superficie ; Des réseaux de distribution et de drainage dont le développe- ment dépasse 200 kilomètres et qui permettent d’étendre les irri- gations sur une surface quadruple ; Le tout représentant un capital de quelque 480 millions, dont 300 millions pour les eaux et 180 millions pour l’assainissement. Le fonctionnement de cet organisme immense et compliqué est assuré par des fils télégraphiques et téléphoniques spéciaux, qui ne cessent « de transmettre, des extrémités au service central et du centre aux extrémités, les renseignements et les instructions, déterminant, en quelque sorte heure par heure, le jeu de ce grand clavier dont certaines touches principales sont à plus de 160 kilo- mètres 1 » de distance. 2. Double service d’eau- — La distribution d’eau installée, con- formément au programme élaboré par Belgrand, a pour base la division absolue en deux services entièrement distincts, l’un pour la voie publique, l’industrie, les cours, les écuries, les jardins, l’autre pour les habitations. Au service privé ont été attribuées les eaux de source, captées au loin, amenées par des aqueducs fermés dans des réservoirs couverts., et conduites, sans voir le jour, sans variation sensible de température, du point où elles émergent du sol jusqu'au robinet de consommation : en cas d’insuffisance momentanée, on (1) Couche, Les eaux de Paris en 1884. VUE D’ENSEMBLE y supplée par un appoint en eau de rivière soigneusement filtrée sur un lit de sable fin, aussi limpide et tout à fait équivalente au point de vue de la salubrité. Au service public ont été réservées les eaux de la Seine e t de la Marne à l’état naturel, assez pures chimiquement pour tous les emplois industriels, mais souvent troubles et à température essentiellement variable, qu’on a dû écarter de la consommation domestique à cause des causes multiples de contamination aux- quelles elles sont manifestement exposées ; celles du canal de l'Ourcq, longue dérivation à ciel ouvert, servant à la fois d’aque- duc pour l’amenée de l’eau et de voie navigable, celles aussi des anciennes dérivations, lourdes et séléniteuses et d’ailleurs peu abondantes, ainsi que les eaux chaudes des puits artésiens. Ces eaux, réparties entre diverses zones et en plusieurs étages distincts, alimentent une série de distributions juxtaposées et superposées sans jamais être confondues, de manière à satisfaire à toutes les exigences du double service dans une ville étendue, où le sol est accidenté, tout en évitant et les trop fortes pressions et les élévations d’eau inutiles. 3. Qualités des eaux- — Les eaux de la distribution parisienne sont l’objet d’analyses régulières effectuées par les soins de l’Ob- servatoire municipal, publiées chaque semaine dans le Bulletin municipal officiel, et résumées annuellement dans l’Annuaire de Montsouris. Eaux de source. — Les eaux de source, affectées au service privé, sont limpides, fraîches, agréables au goût; vues par trans- parence ou réfraction, elles prennent une belle couleur bleu d’azur. Leur température qui varie de 9 à I i degrés centigrades à 1 émergence suivant les saisons, augmente à peine en été, diminue a peine en hiver de quelques dixièmes de degré durant le trajet dans les aqueducs et le séjour dans les réservoirs, de sorte qu’elles LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS parviennent à la température de 12 a 13 degrés au plus jusque dans les maisons après leur parcours dans la canalisation urbaine. Les analyses des eaux de la Dhuis, de la Vanne et de l’Avre, donnent des résultats toujours comparables entre eux et des moyennes peu différentes d’une année à l’autre. Elles sont résu- mées dans le tableau suivant, emprunté à l’Annuaire de Mont- souris pour 1900. DHUIS VANNE AVRE Degré hydrotimétrique total 23°, i 200,6 160,5 — après ébullition . . 60,2 4°,6 50,8 Matière organique (en oxygène) i mg 0,7'5 0,9'5 Carbonates alc.-terreux (en chaux) 119 I 12 82 Carbonates aie.-terreux (en acide carbon.). 93,5 88 64 Résidu sec à 180° 282 256 228 Matière volatile 56 47 53 Oxygène dissous immédiatement 11 11 11,6 — après 48 heures 9,5 9,7 9,4 Acide azotique 10,2 10 (o, 8 Chlore 7 5 11 Chaux . 108 I I 2 84 Acide sulfurique n,5 3,4 6,2 Silice 11,9 8,5 14,2 Magnésie 15,1 2,2 4 Fer et alumine. . 1,2 0,7 1,1 Potassium 1,4 1,7 1,9 Sodium 7,2 4,5 Bactéries (en 1 898) par centimètre cube . . 2 220 3io 720 — (année moyenne) 3 6i5 990 1 570 Toutes, comme on le voit, sont calcaires, peu chargées de sul- fates, pauvres en matière organique et en microorganismes ; les eaux du Loing et du Lunain s’en rapprochent beaucoup. La composition chimique de ces eaux varie peu : on observe cependant des modifications à la suite des grandes pluies, plus sensibles pour TAvre en particulier dont le degré hydrotimé- trique diminue alors un peu. Il se produit en même temps une augmentation momentanée de la teneur en bactéries. Quelquefois VUE D’ENSEMBLE la limpidité est alors altérée et l’eau devient louche puis trouble pendant quelques heures parfois même pendant quelques jours. EAUX de RIVIÈRE. — Les eaux de la Seine et de la Marne, celles du canal de l'Oureq, réservées au service public, ne sont jamais limpides, et se présentent fréquemment troubles; leur coloration est d’un vert jaunâtre plus ou moins franc. Elles sont froides en hiver, chaudes en été et marquent au thermomètre de o a 23 degrés centigrades. Leur composition et leur teneur en bac- téries varient suivant les points où s’effectuent les prélèvements, les époques de l’année, la température ambiante, etc. Voici les résultats qu’ont donnés moyennement a l’Observa- toire de Montsouris dans ces dernières années, les échantillons prélevés au voisinage des prises d’eau les plus importantes de la ville de Paris. OURCQ à la gare circulaire de la Villette. SEINE à Ivry. MARNE à Saint- Maur. Degré hydrotimétrique total — après ébullition . . Matière organique (en oxygène)....’. Carbonates alc.-terreux (en chaux) — (en ac. carbonique). Résidu sec à 180° Oxygène dissous immédiatement — après 48 heures Acide azotique Chlore Chaux Acide sulfurique Silice Magnésie Fer et alumine Potassium Sodium Bactéries par centim. cube (année moyenne). 350,9 120,1 2,316 151 122 424 10,3 8,4 7,9 10 143 57,3 11,2 34,9 i 1,3 6,7 65 430 180,9 50,6 2,5106 108 85 265 10,7 8,4 8,5 7 102 10,6 5 i 2,7 4,8 53 910 240,1 6°, 6 1,4'5 106 93,4 285,5 10,6 8,9 8,1 5,6 1 13,6 22,1 6,5 13,9 1,3 1,8 5,7 71 600 76 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT. DE PARIS Ce tableau montre que la composition chimique des eaux de la Seine et de la Marne diffère peu de celle des eaux de source, tandis que celle de l’eau d'Ourcq, beaucoup plus chargée de chaux, de magnésie, d’acide sulfurique, s’en éloigne très nota- blement. Toutes contiennent une forte proportion de matière organique et présentent une teneur très élevée en bactéries ; le nombre des microorganismes est d’ailleurs extrêmement variable, beaucoup plus grand aux époques des crues que durant les périodes de basses eaux. Le filtrage par le sable, appliqué aux eaux de la Seine et de la Marne, les débarrasse des matières en suspension et de la majeure partie des bactéries, au point de les rendre plus lim- pides et plus pauvres en microbes que les eaux de source elles- mêmes. 4. Quantités disponibles. — En temps normal le service privé dispose quotidiennement des quantités d’eau énumérées ci- après : Aqueduc des sources de la ........................... 20 000 m3 — de la Vanne................. 120000 — de ......................100 000 — du Loing et du Lunain . . . 50 000 Soit au total....................290 000 m3 Mais dans les périodes de sécheresse le volume total dispo- nible peut descendre jusqu'à 220 000 et même 210 000 mètres cubes. Les filtres d’autre part peuvent procurer un supplé- ment de : 25 000 mètres cubes d'eau de Marne épurée à Saint-Maur, 35 000 mètres cubes d’eau de Seine épurée à Ivry, en tout 60000 mètres cubes, de sorte que l’ensemble des ressources du / service privé varie entre 350 0 0 0 et 270 0 0 0 mètres cubes par vingt-quatre heures, soit de 104 à 135 litres par habitant. VUE D’ENSEMBLE 77 Pour le service public, l’ensemble des installations peut fournir : Eau amenée par le canal de ................................. 150 ooo m3 Eau de Seine élevée par machines à vapeur....................260 000 Eau de Marne élevée par machines hydrauliques et à vapeur. 120000 Puits artésiens et anciens aqueducs........................... 7 000 Soit un total de...................... 537 0 0 0 m3 mais il y a presque toujours des machines en chômage pour visite, réparation, etc. et il convient de ne pas compter norma- lement sur plus de 520 0 0 0 mètres cubes ce qui correspond à 200 litres par habitant et par jour. Les deux services réunis ont donc une alimentation capable de fournir chaque jour 790 ooo à 870 000 mètres cubes en tout et par habitant 304 à 335 litres. Il suffit de rapprocher ces chiffres, de celui de 15 litres qui représentait la totalité des ressources de la distribution d’eau au commencement du siècle pour marquer le chemin parcouru en cent ans. 5. Consommation effective. — La consommation se tient pendant la plus grande partie de l’année fort au-dessous des quantités disponibles : non seulement le fonctionnement des filtres est habituellement et, sauf les cas accidentels, inutile en hiver, mais encore, le volume total des eaux de source dépassant normale- ment les besoins du service privé, une partie de ces eaux est déversée dans les réservoirs ou dans les conduites du service public. En été au contraire, et surtout lorsque le thermomètre vient à dépasser 25°, le volume consommé s’élève rapidement au- dessus de la moyenne, et pour satisfaire aux besoins des deux services également surexcités par la grande chaleur, il faut faire appel simultanément à toutes les ressources de leur multiple alimentation. En 1899, année de sécheresse tout à fait exceptionnelle de 78 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS chaleurs extrêmes et de longue durée, le volume des eaux dis- tribuées s’est réparti conformément aux indications du tableau ci-après : PENDANT L ANNÉE PAR JOUR Eau de source Eau filtrée 76 905 5oom3 5 694 ooo 2 10 700m3 15 600 Service privé 8 2 599 500m3 226 3oom3 Eau d’Ourcq . . . Eau de Seine et Marne . . Eau d’Arcueil et des puits artésiens . . 40 478 5oom3 90 3oi ooo 2 263 ooo I 10 900′3 247 400 6 200 Service public 133 042 500 364 5oom3 Ensemble 215 642 ooom3 590 8oom3 11 convient de signaler que les filtres d'Ivry n’ont été terminés qu’au mois d’août et ont à peine fonctionné, que la dérivation du Loing et du Lunain était encore en cours, et que plusieurs machines actuellement en service n’étaient pas encore dispo- nibles. Le maximum de consommation s’est produit le 20 juillet avec un volume de 738 ooo mètres cubes, soit 295 litres par habitant, comprenant ioo litres d’eau de source 12 litres d’eau filtrée et 183 litres d’eau d’Ourcq ou de rivière. Le minimum a eu lieu le 17 décembre et la consommation totale s’est réduite à 179 litres par tête, dont 74 litres d’eau de source et 105 litres d’eau de rivière et autres. 6. Régime de la distribution. — On n’a jamais connu à Paris le système de la distribution intermittente, qui a longtemps régné sans partage en Angleterre, l’eau y est constamment en pression VUE d’ensemble 79 dans toute l’étendue des canalisations, et, à toute heure du jour ou de la nuit, les appareils publics sont prêts à fonctionner, les robinets peuvent fournir l’eau nécessaire à tous les besoins. Mais il y a, au point de vue de la pression, une différence de régime très marquée entre le service public et le service privé. Tandis que ce dernier est desservi par des eaux qui ont par- tout et sauf de très rares exceptions, une pression capable d’at- teindre en tout temps les étages les plus élevés des maisons, l’autre, au contraire, ne peut y fournir qu’en certains points et à certaines heures l’eau dont on pourrait y avoir besoin : dans tout le centre de Paris, l’eau de l'Ourcq ne peut parvenir qu’au premier, ou au plus, au second étage des maisons, et, si dans d’autres quartiers l’eau de rivière (Seine ou Marne) s’élève à toute hauteur pendant la nuit, il arrive durant une partie du jour que la pression s’abaisse considérablement par suite de l’ouverture simultanée d’un grand nombre d’orifices de forte dimension au niveau du sol, pour les besoins du nettoiement ou de l’arrosage des voies publiques. En conséquence, tous les usages qui impliquent la fourniture de l’eau à tous les étages ou la per- manence constante de la pression ne peuvent être desservis que par les conduits du service privé, quand bien même ils n’exige- raient point par ailleurs d’eau potable, d’eau de qualité supé- rieure ; c’est le cas des ascenseurs, des appareils d’extinction des incendies, etc... Et, à moins de revenir à l'emploi de réservoirs d’emmagasinement qui se remplissent aux heures de faible con- sommation, on ne peut, même dans les quartiers les mieux favo- risés, demander au service public que des fournitures d’eau à rez- de-chaussée, dans les usines et ateliers, les écuries et remises, les cours ou les jardins. Cette organisation dont on a maintes fois fait un reproche au service municipal, en particulier parce qu’elle oblige à employer partout l’eau de source pour le lavage des cabinets d’aisances, 8o LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS a du moins l’avantage d’éviter les complications et la dépense d’une double canalisation à l’intérieur des maisons, et surtout les confusions que la double canalisation pourrait y rendre fré- quentes entre l’eau potable et celle qui ne l’est point. 7. Réseau d’égouts unique. — Le réseau d’égouts parisien, conçu primitivement pour l’écoulement des eaux pluviales et ménagères seules, a été appelé depuis quelques années à recevoir en outre, par écoulement direct, les matières solides et liquides provenant des cabinets d’aisances, et se rattache désormais au type unitaire. Il est caractérisé d’ailleurs par l’emploi exclusif d’égouts d’assez grande hauteur pour qu’on les puisse parcourir debout dans toutes leurs parties et qui constituent de véritables voies souterraines,où les deux canalisations d’eau ont trouvé place, ainsi que diverses autres canalisations pour la distribution de force motrice et le transport des cartes pneumatiques de la poste, les câbles télé- graphiques et téléphoniques, etc... Depuis l’adoption du « tout à l’égout », l’emploi des ban- quettes de circulation, antérieurement limité aux collecteurs et aux artères principales, où elles bordaient de part et d’autre la cunette d’écoulement, a été généralisé : et les plus petites gale- ries présentent une banquette unique déposée sur l’un des côtés de la cunette. Il en résulte que la circulation est assurée en temps sec à l’intérieur des égouts de Paris dans des conditions de faci- lité particulières. En temps de pluie l’eau s’y élève, surmonte les banquettes et, grâce aux grandes dimensions des galeries, trouve un écoulement facile, de sorte qu’il n’y a nulle part d’inondation dans les rues, même par les plus grandes averses. 8. Système des collecteurs. — Les eaux recueillies par les égouts élémentaires construits sous les voies publiques, sont dirigées dans une série de collecteurs, qui les conduisent hors de l’enceinte vers le nord-ouest, après avoir franchi par des percées souter- VUE D’ENSEMBLE 81 raines les coteaux de l'Etoile, de Monceau, des Batignolles, pour être reprises ensuite par les émissaires chargés de les porter dans les champs d‘ épuration. Toutes les eaux de la rive gauche, y compris celles de la Bièvre, petit affluent de la Seine, devenu depuis longtemps un véritable égout, sont en conséquence jetées sur la rive droite : à cet effet les collecteurs qui les reçoivent viennent concourir en deux points, à l’amont des ponts de l’Alma et de la Concorde, d’où partent des conduites en forme de siphons renversés, par l’intermédiaire desquelles elles franchissent le fleuve et vont se réunir aux eaux de l’autre rive dans les collecteurs généraux, troncs communs d’é- vacuation qui aboutissent à l’usine élévatoire de Clichy. Les anciens égouts qui se déversaient en Seine dans la tra- versée de Paris, ont été recoupés le long des quais par des BECIMANN. — Eaux de Paris. 6 82 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS collecteurs longitudinaux de manière à supprimer tout écoule- ment d’eaux usées dans le fleuve ; ceux des îles de la Cité et Saint- Louis ont été rattachés par des siphons spéciaux à ces mêmes collecteurs ; ceux des quartiers bas, qui ne pourraient y aboutir avec une déclivité suffisante, amènent leurs eaux à des usines qui les relèvent à un niveau convenable pour en assurer l’écoulement. Et c’est seulement en temps d’orage que l’eau surabondante s’échappe sur les deux rives en certains points du parcours des collecteurs, que des déversements se produisent comme dans tous les réseaux oii l’on admet les eaux pluviales ; du moins ces déver- sements sont-ils réduits à peu de chose en raison de l’étendue et de la capacité exceptionnelles du réseau; ils ne se produisent guère que huit à dix fois par an et sont toujours d’une courte durée. Un collecteur indépendant et isolé, dit collecteur du Nord, reçoit les eaux de la partie supérieure des coteaux de rive droite et les conduit à la porte delà Chapelle, oit elles peuvent à volonté être déversées dans le collecteur départemental de Saint-Denis ou dans les deux galeries maçonnées qui constituent la dériva- tion de Saint-Ouen et se prolongent jusque dans la plaine de Gennevilliers. 9. Développement des galeries. Volume d’eau écoulé. — La lon- gueur totale des galeries souterraines en service était au 31 dé- cembre 18 9 9 de ï 51 1 967 mètres dont 1 0 9 0 453 mètres d’égouts publics et 421 514 mètres de branchements de bouches de regards ainsi que de branchements particuliers. Les canalisations diverses qui y ont trouvé place présentent un développement considérable : outre les 2974 kilomètres de con- duites d’eau, on y compte 279 414 mètres de conduites d’air com- primé, dont un tiers pour le service des horloges pneumatiques ; tout le réseau des tubes pneumatiques y est établi ainsi que les câbles innombrables des services télégraphiques et téléphoniques. VUE D’ENSEMBLE 83 Le volume d’eau total écoulé dans l’année par ce vaste sys- tème de galeries souterraines resterait probablement inférieur aux quantités d’eau livrées par la distribution, les pertes par éva- poration, infiltration etc., compensant et au delà les apports fournis par les pluies, s’il ne s’y ajoutait un contingent impor- tant d’eaux venues du dehors par l’intermédiaire des égouts départementaux : avec cet appoint la quantité d’eau écoulée peut atteindre et dépasser 200 millions de mètres cubes. 10. Emissaires , usines élévatoires et champs d’épuration. — Grâce au niveau assez élevé du collecteur du Nord, les eaux qu’il amène à la porte de la Chapelle peuvent être écoulées par l’effet de la gravité jusque dans les champs d épuration de la plaine de Gennevilliers en passant par la dérivation de Saint- Ouen et les conduites posées à la suite sur les ponts de Saint- Ouen. Toutes les autres eaux usées de Paris, dirigées sur l’usine de Clichy, y sont élevées par des pompes centrifuges mues par la vapeur, soit à un niveau suffisant pour franchir les ponts de Clichy et gagner par cette voie la plaine de Gennevilliers où elles sont employées en irrigations concurremment avec celles du collec- teur du Nord, soit à une hauteur moindre qui leur permet d’at- teindre seulement l’usine de Colombes, après avoir traversé la Seine dans un siphon sous-fluvial de grande dimension et par- couru sur une longueur de plus de 4 kilomètres les territoires d’Asnières et de Colombes. Les pompes à piston de l’usine de Colombes les refoulent alors sur le coteau d’Argenteuil à 60 mètres au-dessus de la mer, et les déversent en tête d’un aqueduc libre qui se développe sur la rive droite du fleuve, franchit l’Oise en siphon, passe en souter- rain sous la colline de l'Hautie, et se prolongera ensuite sur la rive gauche de la Seine jusqu’au-delà des Mureaux. Sur ce parcours trois branches s’en détachent, la première à Herblay pour des- 84 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS servir les irrigations d’Achères, la seconde un peu plus loin pour gagner la région de Pierrelaye et l’usine de relais qui refoule une partie des eaux dans le domaine municipal de Méry, la troi- sième à Chanteloup pour irriguer la plaine de Carrières-sous- Poissy et Triel et le domaine municipal des Grésillons. Tout l’outillage est conçu pour un débit de près de 10 mètres cubes par seconde, et dès a présent quatre champs d’épuration Carte des émissaires et champs d'épuration. 30160101 sont en exploitation culturale, dont partie appartient à la Ville et donne lieu à des affermages, tandis que le surplus est cultivé librement par les propriétaires auxquels le service municipal livre les eaux d’irrigation à titre gratuit. La plus considérable des exploitations domaniales affermées constitue le parc agricole d'Achères qui renferme i ooo hectares d’un seul tenant et deux fermes importantes; tandis que la plaine de Gennevilliers, où les irrigations à l’eau d’égout sont depuis longtemps utilisées, est le type de l’exploitation par la culture libre. VUE D’ENSEMBLE 85 11. Eaux d’égout. Eau épurée. — Les eaux débitées par les col- lecteurs sont l’objet d’analyses régulières par les soins de l’Obser- vatoire Municipal, ainsi que celles des drains qui facilitent l’é- coulement en Seine des nappes souterraines grossies par l’in- filtration de ces eaux à travers les terrains d’épuration, et aussi celles des puits du voisinage alimentés par les mêmes nappes et qu’utilisent les habitants de la région. La comparaison de ces analyses fait ressortir l’effet si complet de l’épuration par le sol perméable. Les eaux d’égout très char- gées de matières en suspension et en particulier de matière orga- nique et d’azote ammoniacal, contenant des millions de bacté- ries, ne parviendront plus désormais au fleuve qui les recevait jadis en cet état que limpides, absolument dépourvues d’azote organique ou ammoniacal, aussi pauvres en matière organique que les eaux de source elles-mêmes, à peine plus riches en bac- téries, et ne dénotant leur origine que par la présence de nitrates inoffensifs. Le tableau ci-après, qui résume les résultats d’un grand nombre EAUX D'ÉGOUTS EAUX DE DRAINAGE PUITS dans les régions irriguées. * 0 9 2 — 02 0 - > - 0 o S P G • 0 Po ‘ °~ G A œ m. o m — © - o 5 G O C “ O O 5 X O — -o - m. 8.50 " §33 3 02 88 -2 % s 8 AE Degré hydrotim. total. 370 450 62° 49° 620 48° Degré après ébullition. 17° 26° 330 210 30° 26° Chaux 165 ms 196 “S 309 mg 257 mg 305 "S 173 ms Chlore 55 90 74 67 78 19 Matière organique. . 34,9 58,5 1,2 I, I 1,2 0,7 Acide sulfurique. . . 122 184 26.5 135 221 i3o Résidu sec à 180° . . 630 880 1071 846 1095 609 Azote nitrique .... 2,2 2 27,3 23,9 39,4 17,8 — ammoniacal . . 16,7 23,5 )) )) » » — organique. . . 8,7 16,7 •» » » » Bactéries par cm!( 1898) 12 165 000 I I 405 OOO I 175 715 86 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS d’analyses, donne précisément cette comparaison d’après l’An- nuaire de Montsouris pour l’année 1900. 12. Canaux de navigation. — Le service des eaux et de l’as- sainissement comprend en outre les trois canaux de navi- gation appartenant à la ville de Paris et désignés sous les noms de : Canal de l'Ourcq. Canal Saint-Denis. Canal Saint-Martin. Le premier, conçu spécialement il y a cent ans pour conduire à Paris des eaux d’alimentation dérivées de la rivière d’Ourcq, affluent de rive droite de la Marne, joue en réalité un triple rôle : d’une part, il concourt pour une fraction importante à la fourni- ture de l’eau nécessaire au service public ; de l’autre, il sert de rigole d’alimentation du bassin de la Villette qui remplit la fonc- tion de bief de partage pour le canal à deux versants que cons- tituent en réalité les canaux Saint-Denis et Saint Martin reliant la Seine en amont de Paris (Arsenal) à la Seine en aval (Saint- Denis) ; et, en troisième lieu, il dessert une navigation locale assez restreinte, il est vrai, à cause de sa faible section qui ne permet d’y affecter que des bateaux étroits et de faible capacité (50 tonnes) dits flûtes d’Ourcq. Les deux autres évitent à la navigation de commerce la tra- versée de Paris et lui offrent le moyen d’accéder au port très fré- quenté de la Villette. Ils sont l’objet d’un mouvement intensif malgré la perception de droits assez élevés par la Caisse muni- cipale. Le cube d’eau amené chaque année au bassin de la Villette approche de 80000000 de mètres cubes, dont moitié environ pour la distribution urbaine et un tiers pour le service des éclu- ses ; le surplus est déversé en Seine ou dans les égouts. Seine Schéma indiquant la fonction des canaux de l’Ourcq, Saint-Denis et Saint-Martin. 88 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS Le trafic de la navigati on comporte un mouvement de : 700 000 tonnes sur le canal de l’Ourcq. 1 goo 000 — Saint-Denis. 1 100 000 — Saint-Martin. Soit au total. . 3 700 000 tonnes environ. CHAPITRE II ORGANISATION GÉNÉRALE. PERSONNEL 1. Division du service. — L’arrêté préfectoral du 16 mars 1899 comme au a de nouveau réuni sous la direction d’un chef de service unique, s eaux et de l’assainissement qui étaient subdivisés depuis 1878 en plusieurs branches distinctes. Cet ensemble est d’ailleurs tout entier rattaché à la Direction administrative de la voie publique et des eaux et égouts à la pré- fecture de la Seine, sauf cependant les travaux sanitaires, ou autrement dit l’assainissement des habitations, qui dépend de la direction des affaires municipales. Le chef de serviceingénieur en chef des Ponts et Chaussées, a dans ses attributions directes, sous la dénomination de service réservé, tout le service de la distribution d’eau qui comprend : l’entretien et exploitation des dérivations, les machines élévatoi- res et les réservoirs, la distribution générale et particulière des eaux, le contrôle de la Compagnie générale des eaux régisseur intéressé, la pose des conduites d’eau ; et en outre : les canaux de la Ville, les travaux sanitaires (assainissement des habitations). Il a d’ailleurs sous ses ordres deux ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées : Le premier chargé du Service de VAssainissement proprement dit, qui réunit : l’entretien et le curage des égouts, les irrigations à l’eau d’égout, la construction des égouts neufs, les travaux d’ex- 90 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS tension des irrigations; le second chargé du service temporaire des adductions d'eaux nouvelles^ dont dépendent actuellement les travaux de construction de la dérivation du Loing et du Lunain, en voie de parachèvement et de règlement définitif, et les études entreprises en vue de préparer de nouvelles amenées d’eau de sonrce. 2. Service réservé. — Le service réservé est divisé en six sections spéciales dénommées et constituées comme suit : Inspection administrative. — Affaires générales et de person- nel. — Statistique. — Projets. — Contrôle de la régie des eaux. — Dépôt des fontes. Dérivations. — Entretien, exploitation et régie des aqueducs de la Dhuis, de la Vanne, de l'Avre, du Loing et du Lunain et dépendances. — Puits artésiens, Machines. — Exploitation et entretien des usines élévatoires dans Paris et le département de la Seine. — Entretien des réservoirs et des conduites ascensionnelles. — Atelier de répa- ration. — Atelier d’essai des compteurs. — Dépôt des pompes et locomobiles. — Travaux neufs d’élévation des eaux. Distribution des eaux. — Exploitation des réservoirs. — Sur- veillance, manœuvre et entretien de la canalisation et des appa- reils. — Contrôle technique de la régie intéressée. — Surveil- lance des travaux particuliers. — Travaux de réparation et de déplacement des conduites. Canaux. — Entretien, exploitation technique et financière, police, travaux des canaux de l'Ourcq, Saint-Denis et Saint- Martin. Travaux sanitaires. — Application des règlements concer- nant les canalisations intérieures d’évacuation des eaux usées. — Contrôle de la vidange. — Dépotoir municipal. — Dépôt des collections. — Travaux d’assainissement dans les établissements municipaux et départementaux. ORGANISATION GÉNÉRALE. PERSONNEL 9I Il dispose en outre des huit sections du service général, entre lesquelles Paris est territorialement divisé, pour la pose des conduites de distribution, 3. Service de l’assainissement. — Le service de l’assainissement comprend trois sections spéciales, savoir : Egouts. — Curage et entretien des égouts et collecteurs. — Contrôle des canalisations en égout. — Atelier de réparation du matériel. —Magasin central. — Travaux de réparation et d’amé- lioration des égouts et collecteurs. Irrigations. — Exploitation et entretien des usines élévatoires. — Conduites ascensionnelles. — Emissaires. — Distributions dans les champs d’épuration. — Exploitation de la plaine de Gennevilliers. — Jardin modèle d’Asnières. Travaux neufs. — Travaux complémentaires : construction d’usines, bâtiments, drains, canalisations, etc. — Exploitation culturale des champs d’épuration d'Achères, Méry, Carrières. — Etudes et travaux de prolongement des émissaires et de créa- tion de nouveaux champs d’épuration. Pour la construction des égouts neufs dans Paris, il dispose des huit sections du service général. 4. Service temporaire des adductions d’eaux nouvelles. — Quatre sections temporaires ont été placées sous les ordres de l’ingé- nieur en chef des adductions d’eaux nouvelles. Trois se rapportent aux travaux de la dérivation du Loing et du Lunain qui ont été répartis en trois arrondissements d’amont, du centre et d’aval. La quatrième comprend les études, recherches de sources, jaugeages, etc. 5. Personnel. — Le chef de service et les deux ingénieurs en chef qui lui sont adjoints ont sous leurs ordres, en dehors des 92 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS huit ingénieurs ou inspecteurs chargés des sections du service général dans Paris, neuf ingénieurs ou inspecteurs chargés des sections spéciales des eaux et de l’assainissement . Deux des see- tions des travaux de la dérivation du Loin g et du Lu nain ont été confiées à deux ingénieurs déjà chargés d’autres sections du ser- vice spécial ou du service général, et un inspecteur réunit pro- visoirement dans ses attributions les égouts et les travaux sani- taires. Ce personnel est recruté de deux manières distinctes : les ingénieurs appartenant au corps des Ponts et Chaussées sont nommés par le Ministère des Travaux publics sur une liste pré- sentée par le Préfet de la Seine et mis dans la situation de ser- vice détaché, qui leur conserve le droit à l’avancement ; les inspecteurs sont d’anciens conducteurs du service municipal qui ont mérité, par la distinction avec laquelle ils ont rempli leurs fonctions antérieures, de recevoir des attributions plus vastes et plus étendues et d’être assimilés aux ingénieurs. Ces derniers ont été jusqu’à présent nommés par le préfet sans aucune condi- tion spéciale ; désormais ils doivent être remplacés par des ingé- nieurs municipaux, désignés par voie de concours parmi les agents du service municipal qui à la suite d’un examen auront été reconnus aptes à ces fonctions. Ingénieurs et inspecteurs sont secondés par un personnel tech- nique et administratif composé de conducteurs municipaux^ de piqueurs et d’agents auxiliaires autorisés. Ces derniers sont recrutés parmi les jeunes gens qui ont subi avec succès les épreuves du concours pour l’admissibilité au grade de piqueur ; ils sont nommés piqueurs au fur et à mesure des vacances qui se produisent dans le cadre ; pour devenir conducteurs munici- paux il leur faut subir un nouveau concours. Les élèves de l'École polytechnique, les élèves diplômés de l’Ecole centrale des arts et manufactures, peuvent être nommés d’emblée conducteurs muni- cipaux dans la proportion d’un vingtième des places disponibles. ORGANISATION GÉNÉRALE. PERSONNEL 93 11 y a dans le service un certain nombre de conducteurs des Ponts et Chaussées qui doivent disparaître par voie d’extinction. Les agents de tout ordre subissent un prélèvement de 5 ou 5 1/2 p. ioo sur leur traitement pour la constitution d'une pen- sion de retraite à laquelle ils ont droit après 30 ans de services. Ils sont retraités d’office, sauf les ingénieurs soumis aux règles spéciales du Ministère des Travaux publics, lorsqu’ils ont atteint la limite d’âge de 60 ans, s'ils comptent d’ailleurs les 3o années de service réglementaires. 6. Ouvriers- — Les ouvriers, attachés d une manière perma- nente au service des eaux et de l’assainissement, sont au nombre d’environ 2 400. Ils sont recrutés par catégories, dans des conditions de natio- nalité, d’âge, d’aptitude physique et professionnelle fixées par un règlement général et des règlements spéciaux. Embauchés d’a- bord à titre de stagiaires, ils sont ensuite titularisés par arrêté préfectoral. Le mois normal est de 26 jours : il est alloué en outre deuxjour- nées de repos payées par mois, et un congé de 10 jours par an. La journée est en général de 10 heures : seuls les ouvriers du curage des égouts ont obtenu en 1899 la réduction de la journée à 8 heures. Les travaux supplémentaires de jour et de nuit, réduits au mini- mum, donnent lieu à des allocations spéciales calculées par heure. Payés par quinzaines, les ouvriers subissent mensuellement depuis le ior juillet 1899 une retenue de 4 p. 100 pour la retraite qui est complétée par un versement de 7,50 fr. par la Ville ; les deux sommes sont déposées en leur nom et à capital aliéné à la Caisse des retraites pour la vieillesse et les versements sont continués jusqu’à ce que la rente viagère atteigne 1 200 francs par an. L’âge d’entrée en jouissance de la retraite est fixé à 60 ans, mais peut être reporté d’année en année jusqu’à 65 ans. 94 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS La plupart des ouvriers sont embrigadés par équipes dirigées par des chefs-cantonniers, des surveillants, des brigadiers, des contremaîtres. Quelques-uns étant tenus par suite des exigences de leur ser- vice à une présence continue de jour et de nuit, sont logés dans des bâtiments municipaux, le plus souvent dans les dépendances des établissements auxquels ils sont attachés. Certains services, ayant des besoins variables, prennent durant les périodes d’activité exceptionnelle des ouvriers temporaires en régie. 7. Répartition du personnel. — Le personnel est réparti comme l’indique le tableau de la page suivante, entre les diverses par- ties du service. ORGANISATION GENERALE. PERSONNEL 95 0) 2 £ z O 2 5 (2 K • Z 02 a D . a H • A. 02 Z • 0) 3 S — O 0 3 - 5 8 a U. o 7 (2 a o 2 1 5 3 m g u D Q Z O 0) p 5 a D C E m. 03 — -O - 0 - s 2 2 (2 P y co O 9 C‘ s % 4 9 8 • 0 U. 00 F 2 E co “ 8 p $ 0 § © Chef du service. Bureaux . I » » )) I 3 9 8 2 » Service réservé. Inspection administrative » i » » 5 3 2 » — Dérivations . . )) i » » I 9 9 2 » 118 — Machines . . . )) )) i » I 9 9 7 ». 250 — Distribution des eaux . . )) )) i i I 15 20 5 » 157 — Canaux. . . . » i » » I 8 21 3 » 161 — Travaux sahit. » » i i )) 26 51 i3 » 85 — Les 8 sections du service gé- néral .... )) 6 2 .s.-insp. f. fons de chef de bureau » 8 3 14 I » 12 Assainissement. Bureaux de l’Ingénieur en chef I » >) )) I 6 8 3 I » — Egouts . . . . )) » I I I 13 47 10 I t 058 —- Irrigations . . )) )) p. mém. i 2 I 4 i3 5 )) 372 — Travaux. . . . » I » )) I 4 3 » » » — Les 8 sections du service gé- néral . . . . » 6 )) 8 2 17 9 » » Adductions d’eaux nouvelles. Bureaux de l’in- génieur en I p. mém )) p. mém. » » p. mém. i 1 3 » » I 2 chef —- Loinget Lunain Section amont. )) I » )) » 4 I » » 8l — Loing et Lu- nain. Section centre . . . )) I » » » 2 3 29 Loing et Lu- nain. Section aval .... )) p. mém. i » )) i 3 2 » » 54 — Études .... )) p.mém. i )) p. mém. ». » » » I — Réservoir de • Saint-Cloud. )) Ing. des mines. » » 1 I » )) 5 3 IO 7 5 18 119 242 69 6 2 395 ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ CHAPITRE III L’alimentation du service privé est assurée normalement par Cart: des dérivations les quatre dérivations d’eau de source : Dhuis, Vanne, Avre, Loing et Lunain, et complétée seulement en cas d’insuffisance momen- ALIMENTATION DU SERVICE PRIVE 97 tanée par l’eau de rivière filtrée dans les établissements de Saint-Maur et d’Ivry. 1. Dérivation delà Dhuis. — La source de la Dhuis, choisie par Belgrand après l’abandon du projet de dérivation de la Somme- Soude, parce qu’elle avait seule résisté aux sécheresses excep- Vue de la source de Pargny tionnelles de 1857, a été acquise en 1859, captée en 1863 et l’eau en est distribuée à Paris depuis le 1er octobre 1865. Cette source est située sur le territoire de la commune de Pargny, canton de Condé, arrondissement de Château-Thierry, dans le département de l’Aisne. Elle émerge des couches calcaires lacustres, appartenant à l’étage tertiaire et sises au-dessous des marnes vertes de la Brie. Avant les travaux de captage elle jaillissait par trois orifices, dont le plus bas était à l’altitude de 128 mètres et alimentait seule le ruisseau de la Dhuis, qui mettait en mouvement 9 usines hydrau- liques et se jetait, après avoir reçu un petit affluent le Verdon, BECHMANN. — Eaux de Paris. 98 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS dans le Surmelin, qui lui-même tombe dans la Marne, un peu en amont de la station de Mézy (chemin de fer de l’Est). Elle est enfermée aujourd’hui dans un ouvrage en maçonnerie de forme circulaire, recouvert d’une voûte en calotte sphérique et enve- loppé de terre gazonnée, qui marque l’origine de l’aqueduc de dérivation. Une vanne permet de la mettre en décharge dans l’ancien lit du cours d’eau, une autre de la jeter dans l’aqueduc : on a en outre aménagé un moyen de jaugeage. Quant aux dis- positions prises à l’origine pour diviser l’eau en présence de l’air et déterminer une diminution du titre hydrotimétrique en provoquant le dépôt d’une partie du carbonate de chaux, elles ont été depuis longtemps abandonnées. Le débit de la Dhuis est moyennement de 20 000 mètres cubes ; il tombe à 15000 mètres cubes dans les périodes d’ex- trême sécheresse et peut s’élever par contre dans les périodes très humides jusqu’à 25000 et 2 6 0 0 0 mètres cubes. L’eau, habituellement très limpide, devient brusquement lou- che puis trouble à la suite des grandes averses, et surtout lorsque le ravin voisin est parcouru par les eaux sauvages qui descendent de la partie haute de la vallée et délavent les fossés du village d’Artonges. Ce ravin a été récemment revêtu en partie d’un pavage imperméable, surtout dans les parties de son parcours où il traverse des terrains absorbants. D’ailleurs la source est mise en décharge, toutes les fois quelle se trouble, par le garde logé à proximité et l’eau n’en est plus dirigée sur Paris. Aqueduc. — L’aqueduc de dérivation, qui part du bassin de captage et aboutit dans Paris au réservoir de Ménilmontant à la cote 108, a un développement de 131 kilomètres et une pente totale de 20 mètres. Il traverse les quatre départements de l’Aisne, de Seine-et-Marne, de Seine-et-Oise et de la Seine. Son tracé suit le flanc gauche des vallées de la Dhuis et du Surmelin, puis les coteaux de rive gauche de celle de la Marne ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ 99 jusqu’un peu en amont de Lagny. Il traverse alors la rivière de Marne pour aller passer sous le. fort de Vaujours, gagner le Raincy, Villemomble et Bagnolet, et pénétrer enfin dans Paris par la porte de Ménilmontant. Presque entièrement enterré, il ne présente sur tout ce parcours qu’un très petit nombre d’ouvrages apparents à la traversée des vallées, vallons ou ravins : neuf ponts sous conduite libre de i à 4 mètres d’ouverture ; dix-neuf sous les siphons, dont les plus importants franchissent le Grand Morin, au moyen d’une arche unique de 20 mètres d’ouverture, le canal latéral avec une arche de 14 mètres, et la Marne au moyen de trois arches dont deux de 22 et une de 27 mètres ; des regards aux têtes amont et aval des 21 siphons et des regards plus petits pour la visite à des intervalles d’environ 500 mètres. On y compte 101 970 mètres de tranchées, 12 209 mètres de souterrains et 16 984 de siphons. Il est établi sur le premier tiers de sa longueur dans les terrains solides et perméables compris entre les caillasses lacustres de calcaire grossier et les marnes vertes : en certains points cepen- dant où il traverse des éboulis il manque un peu de stabilité; d’ailleurs il a fallu le défendre par un radier solide au fond des ravins par où s’écoulent les eaux torrentielles qui descendent des plateaux imperméables de la Brie. Sur le surplus il se trouve assis tantôt dans les éboulis peu consistants des marnes vertes, tantôt sur les plateaux dont la nappe d’eau est soutenue par ces marnes. La pente de l'aqueduc libre est partout de 0,10 m. par kilo- mètre. La charge des siphons est réglée uniformément à raison de 0,55 m. par kilomètre : leur flèche varie de 2 à 26 mètres au passage de 14 vallées secondaires et atteint de 39 à 73 mètres pour les vallées principales. Sur une longueur de 7 000 mètres environ à partir de la source, l'aqueduc est établi pour un débit de 3oo litres par seconde : il se compose d’abord d’un double conduit en maçon- IOO LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS nerie, où l’on a provoqué par des chicanes les dépôts de carbo- nate de chaux et de limon et dont chaque côté peut être nettoyé isolément, puis d’un type d’aqueduc ovoïde présentant le gros bout en bas, de 1,64 m. de hauteur et 1,20 m. de largeur maxima, entre lesquels s’intercalent deux siphons composés d’une file de tuyaux en fonte de 0,80 m. de diamètre. Au delà, l’aqueduc a reçu une augmentation de section en vue d’adductions complémentaires qui, jusqu’à présent, n’ont pu être réalisées, malgré des recherches multipliées et des acquisitions nombreuses de petites sources, dont le débit total est malheureu- sement trop peu important pour justifier des travaux de déri- vation. Calculé pour un débit normal de 500 litres par seconde, il présente encore dans les parties en conduite libre une section ovoïde avec le gros bout en bas, de 1,76 m. de hauteur et 1,40 de largeur maxima : les siphons se composent d’une seule file de tuyaux de 1 mètre de diamètre. Les parties en maçonnerie sont exécutées en petits matériaux et mortier de ciment avec chape sur la voûte et enduit de ciment ;i l’intérieur jusqu'un peu au-dessus de la ligne d’eau normale qui est à 0,55 m. de hauteur ; tous les ouvrages apparents sont en maçonnerie brute simplement rejointoyée sans aucun appa- reil ni ornement quelconque. Les siphons sont en fonte et com- posés de tuyaux à emboîtement et cordon avec joints à la corde et au plomb. Les travaux commencés à la fin de juin 1863, en vertu d’un décret d’utilité publique du 4 mars 1862, ont duré un peu plus de deux ans puisque l’eau fut introduite dans l’aqueduc le 2 août 1865. Ils ont été exécutés sous les ordres de Belgrand, alors ingé- nieur en chef, par MM. Vallée et Huet,, ingénieurs ordinaires des Ponts et Chaussées. La dépense, conforme aux prévisions du décret d’autorisation, a été de 18 millions de francs. 2. Dérivation de la Vanne. — Un premier projet de dérivation ALIMENTATION DU SERVICE PRIVE 101 des sources de la vallée de la Vanne a été étudié par Belgrand en 1854. Abandonné alors, parce que le tracé aboutissait a une altitude insuffisante (70 m.), il fut repris de 18 6 0 a 1865 et le projet définitif se terminant à la cote 8o mètres donna lieu a une déclaration d’utilité publique prononcée par décret du 19 dé- cembre 1866. Les sources avaient été acquises a 1 amiable, la majeure partie Vue des sources de Cochepies. en 18 6 0 et les autres successivement jusqu’en 1865. En 1867, on y ajouta les sources de Cochepies qui, seules, n’appartiennent pas au bassin de la rivière de Vanne et voient le jour dans le vallon du rù Saint-Ange. Ces deux cours d’eau sont 1 un et l'autre tributaires de 1 Yonne où ils se jettent, le premier près de Sens, le second a io kilo- mètres en amont, près de Villeneuve-sur-Yonne. La \ aune prend naissance dans le département de l’Aube vers la limite des plaines crayeuses de la Champagne, à Fontvanne, près d'Estissac et a 102 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS 14 kilomètres de Troyes : elle draine un bassin de 965 kilomè- tres carrés de superficie entièrement perméable et formé par la craie blanche recouverte sur les plateaux d’un limon rouge ter- tiaire mêlé de cailloux. La région est peu pluvieuse puisqu’il n'y tombe moyennement que 0,60 m. de pluie par an, mais sa cons- titution géologique est telle que les eaux de superficie y sont rares et peu abondantes, et que l’infiltration s’y montre au con- traire considérable, de sorte que les cours d’eau sont presque exclusivement alimentés par des sources dont le débit est remar- quablement régulier. En dehors de la source de Cochepies, qui est tout à lait dis- tincte, les sources captées dans le bassin de la Vanne forment deux groupes dénommés des sources hautes et des sources basses. Les sources hautes, qui émergent à des altitudes variant de 136 à 107 mètres au-dessus du niveau de la mer, parviennent jusqu’à Paris par la simple action de la gravité ; les sources basses, dont l’altitude est comprise entre 93 et 88 mètres, sont refoulées dans l’aqueduc qui porte le produit des sources hautes par l’intermé- diaire de pompes, mues, soit par des chutes ménagées sur la rivière de Vanne, soit par la vapeur ; il en est de même de la source de Cochepies dont les eaux sont ramenées par un sou- terrain de n kilomètres percé dans la craie jusque dans la vallée de la Vanne où une usine mixte, hydraulique et à vapeur, les relou le également dans l’aqueduc. Une des sources hautes, celle de Cérilly, se trouve dans un vallon latéral, tributaire de la Vanne, que parcourt le ruisseau de Tiremont et où est situé le village de Rigny-le-Ferron ; les autres sont dans la vallée principale, au pied des coteaux de rive gauche que couronne la forêt d’Othe. Les sources basses se rencontrent également dans la partie gauche de la vallée principale, dissé- minées au milieu des prairies où leurs eaux en s’épanchant avaient donné naissance à des marais tourbeux, dont, peu avant les cap- tages de la Ville de Paris, l'Ingénieur Lesguillier avait pro- O 7 O C - ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ 103 posé de réaliser l’assainissement par l’ouverture de canaux de dessèchement. Les sources hautes étaient utilisées au printemps, d’avril à juin, pour l’irrigation des prairies, et la rivière de Carte des sources et des usines. Vanne mettait en mouvement une vingtaine d’usines hydrauliques, moulins à blé, à tan, etc... Bien que les acquisitions amiables eussent donné à la Ville de Paris le droit absolu reconnu par le Code civil aux propriétaires de sources et qu’elle eut pu en dériver les eaux sans allouer d indemnités aux usagers, elle a spontanément décidé de res- pecter la jouissance des uns et de réparer le préjudice causé aux autres. A cet effet, elle s’est engagée, d’une part, à donner l’eau nécessaire aux prairies irriguées, ce qui n’a pas d’incon- vénient pour le service, parce qu’au printemps la consommation ne dépasse pas encore la moyenne et que le débit des sources est presque a son maximum. Et de l’autre, elle a successivement acheté toutes les usines qu’elle a revendues plus tard et qui, pour la plupart, ont continué a fonctionner malgré l’amoindrisse- 104 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS ment de i 500 litres par seconde qu’a dû subir le débit de la rivière, sauf quatre d’entre elles qui ont été transformées en usines élévatoires. Captages. — Avant le captage, la source de CériUy. la plus élevée de toutes, formait une sorte de gouffre ou bime voisin du village du même nom. Le plan d’eau a été abaissé d’environ 4 mètres et les émergences ont été enfermées dans un bassin rec- Bime de Cérilly. Source captée. tangulaire en maçonnerie recouvert de voûtes d’arêtes portées par les murs de pourtour et des piliers intermédiaires, des pas- serelles légères en maçonnerie jetées d’un pilier à l’autre per- mettent d’y circuler au-dessus du plan d’eau ; les voûtes sont recouvertes de terre gazonnée. Le débit varie de 100 à 200 litres par seconde. La source de la Bouillarde, la première des sources captées dans la vallée principale qu’on rencontre en descendant cette vallée, et la plus éloignée de Paris, est située sur le territoire de Courmononcle, un peu en aval du confluent de la Nosle : elle émergeait sous de grands arbres et donnait naissance à un joli ruisseau ; on l’a enfermée dans un simple regard circulaire en maçonnerie, dont le bassin sans fond laisse voir les émergences et qu’entoure une banquette de circulation, et qui est recouvert d’une voûte hémisphérique. Son débit ne dépasse pas 35 litres par seconde. ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ 105 La source etArmentières qui vient après, à une distance d’en- viron i 500 mètres, est au contraire très abondante : elle débite avec les drains recueillis dans la tranchée de l’aqueduc en aval Source de la Bouillarde. Pa- Source d'Armentières (plan et coupe du pavillon villon de captage (coupe et de captage). plan). de 200 a 400 litres par seconde. Elle sourdait autrefois au pied d’une colline boisée et y formait au milieu des broussailles trois émergences où le cresson poussait abondamment à l’état naturel : des galeries ouvertes dans la craie rocheuse ont permis d’aller chercher les divers filets d’eau jusqu'aux fissures d’où ils s échappent, et on les a réunis dans un bassin circulaire avec banquette de pourtour recouvert d’une voûte en calotte sphé- rique supportant une couche de terre gazonnée. L aqueduc qui amène les eaux des sources d’Armentières et de 106 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS la Bouillarde a été superposé à une cunette en ciment qui re- cueille les eaux du sous-sol et constitue le drain d'Armentières. 11 rejoint près de Flacy la branche de Cérilly. Et l’on a établi à leur rencontre une petite usine où les eaux de Cérilly, plus hautes de 21 mètres, actionnent deux turbines à axe vertical com- mandant chacune un élévateur centrifuge monté sur le même axe, qui pompe les eaux du drain et les réunit aux eaux des sources. Un peu plus loin, une petite usine du même type utilise encore l’eau de Cérilly pour relever le produit de la source Gau- din (20 litres environ) captée dans le village de Flacy. C’est la dernière des sources hautes, dont le débit total, toujours supé- rieur a 40 000 mètres par vingt-quatre heures s’élève parfois jusqu’à 130000. La première des sources basses est située à 9 2.00 mètres au- Vue des sources Saint-Philbert et Saint-Marcouf. delà, c est la source des Pâtures : viennent ensuite les sources du Maroy, de Saint-Philbert et Saint-Marcouf. Toutes émergeaient . . . . O. dans les prairies et formaient des bassins plus ou moins étendus ALIMENTATION DL SERVICE PRIVÉ Les unes, qui venaient du coteau, ont été recueillies au moyen de petits aqueducs établis au pied des hauteurs et au-dessus des prai- ries oii elles venaient s’épancher; les autres, qui sourdaient du fond, ont été enfermées dans des galeries sans fond, de forme sinueuse, voûtées et enveloppées de terre, où des voûtelettes légères jetées au-dessus du plan d’eau se prêtent a la circulation. Elles débitent ensemble de 250 à 350 litres par seconde. Plusieurs autres sources de peu d’importance : Malhortie, Ca- prais-Roy, VAuge, le Chapeau. qui donnent ensemble 30 litres, Vue de la source Le Miroir (Theil). ont été captées au voisinage du village de Theil; et c’est dans les dépendances de l'ancien château de ce nom que se trouvait la belle source qui alimentait jadis la pièce d’eau du Miroir et qui en a gardé le nom. Elle débite 180 litres environ, mais elle est grevée de servitude pour l’alimentation des autres pièces d’eau de la propriété, d'une rivière anglaise dans une propriété voi- 108 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS sine, d’un bassin et d’un abreuvoir; une usine minuscule dis- posée à côté de la source et mise en mouvement par une petite chute, assure ces services accessoires. Enfin une dernière source, celle de Noë, jadis captée au temps de l’occupation romaine pour l’alimentation de la ville de Sens, est située un peu plus bas dans la vallée, à i 800 mètres de Theil. —L’ensemble fournit environ 140 000 mètres cubes par vingt-quatre heures en toutes saisons. L’aqueduc de captage du Maroy est double : il recueille dans unecunette spéciale des eaux de drainage qui, sous le nom d’eaux des drains du Maroy, sont réunies un peu plus loin à l’eau des sources. On a récemment critiqué ces drains, ceux d'Armentières , ainsi que les captages pratiqués dans les villages de Flacy et de Theil. Lors d’une recrudescence de la fièvre typhoïde à Paris, en 1894, on a incriminé les drains d’Armentières et les pièces d’eau voisines de la source du Miroir. Grâce à un arrangement intervenu depuis peu, les pièces d’eau vont disparaître, des tra- vaux de protection sont autorisés et d’autre part un contrôle sévère va être exercé sur tous les points. Quoi qu’il en soit, l’eau écoulée par l’aqueduc est d’une limpi- dité cristalline pendant presque toute l’année et devient très rarement louche ; sa fraîcheur est parfaite, sa composition extrê- mement peu variable. Usines. — Les aqueducs secondaires qui recueillent les eaux des sources basses les dirigent sur les deux usines de Chi<2ii et de Laforge, anciens moulins transformés de 31 et 61 chevaux de force : la première comporte une roue Sagebien de 8,20 m. de diamètre et 3 mètres de largeur qui actionne par engrenages deux pompes horizontales à double effet et pistons plongeurs, élevant de 9 000 à 13 000 m3. par jour à 15 mètres de hauteur, la seconde qui peut élever jusqu’à 20 000 m3. à 20 mètres com- prend deux groupes composés chacun d’une turbine à axe ver- ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ 109 tical commandant deux ou trois pompes doubles horizontales. Deux machines à vapeur de secours, installées à Laforge, ont une puissance de io3 chevaux-vapeur et peuvent élever jusqu’il 35 ooo m3. en vingt-quatre heures. En outre, un aqueduc, dit d’équilibre, relie l'usine de Laforge Usine de Laforge. à celle de Malay-le-Roi, autre moulin transformé, de 51 chevaux de force, où une installation analogue à celle de Chigy peut élever jusqu’à 16 ooo mètres cubes à 19,23 m. de hauteur : cette usine reçoit et utilise le surplus des eaux des sources basses qui n'a pu être refoulé par les deux précédentes. Enfin, l’usine mixte de Maillot a pour objet de relever à 27,83 m. de hauteur l’eau des sources de Cochepies : la force hydraulique de 106 chevaux-vapeur est fournie par une dériva- tion de la rivière de Vanne de i 620 mètres de longueur, amenant un volume de 2 500 litres par seconde sous une chute de 6 mètres, elle actionne deux turbines Gallon commandant des pompes Girard capables d’élever 24000 mètres cubes par vingt-quatre LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARTS Usine de Maillot (vue d’ensemble de la façade amont). Usine de Maillot (vue partielle des machines élévatoires). heures; deux machines à vapeur de secours, de 76 chevaux de ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ m force, permettent d’élever en cas d’insuffisance de la force hydraulique jusqu’à 17000 mètres cubes par jour. Cette usine est chargée de maintenir le débit maximum constant dans l’aque- duc et l’on y parvient en faisant varier la vitesse des machines suivant les indications d’un appareil électrique enregistreur du niveau. AQUEDUC COLLECTEUR. ------- L'aqueduc collecteur qui recueille sur son parcours le produit des diverses sources par l’intermé- diaire de tout un réseau d’aqueducs secondaires et des conduites de refoulement des usines de Chigy et de La forge, est considéré comme prenant naissance à la source d'Armentières à 173 kilo- mètres du réservoir de Montsouris où vient aboutir la dérivation de la Vanne dans Paris, et a l’altitude de 1I1,17 m. Il reçoit ;i son origine même la branche secondaire qui y amène les eaux de la Bouillarde, puis a Flacy celles de Cérilly, grossies du produit des drains d’Armentières et de la source Gaudin ; plus loin les eaux des sources basses refoulées par les machines de Chigy et de La forge. 11 est constitué sur presque tout son parcours par un tube en maçonnerie de 1,74 m. de diamètre intérieur, porté à 1,80 m. sur les six derniers kilomètres et de 0,20 m. d’épaisseur, avec une pente de 0,20 par kilomètre. La longueur totale est de 2 0 395 mètres, se décomposant en 11 975 mètres de tranchées, 1 003 mètres de reliefs ou de petites arcades, 5997 mètres de souterrain, plus un siphon eu tuyaux de fonte de 1,10 m. de diamètre et de 1 420 mètres de longueur. Ce siphon est établi en travers de la vallée, un peu en amont de Chigy, et dans des prairies marécageuses où il a fallu le faire porter sur des dés en maçonnerie soutenus eux-mêmes par des pieux. Aqueduc principal. — L’aqueduc principal forme le prolonge- ment de l’aqueduc collecteur ; son origine se trouve sur le coteau 11 2 LES EAUX ET LASSAINISSEMENT DE PARIS de rive droite de la vallée de la Vanne, que suit l’aqueduc collec- teur à partir du siphon, et en face de l'usine de Laforge. Il reçoit au passage les eaux refoulées par les usines de Malay et de Maillot, détache près de Sens une conduite destinée à fournir pour l’alimentation de cette ville un volume de 773 mètres cubes par jour, concédé gracieusement par la ville de Paris, et suit les coteaux de rive droite des vallées de la Vanne et de l’Yonne jusqu’auprès de Pont-sur-Yonne où il franchit la rivière d’Yonne par un grand siphon de 3737 mètres de longueur et 40 de flèche. Il se développe ensuite sur les coteaux de rive gauche de l’Yonne et de la Seine sillonnés par de nombreuses vallées secondaires creusées dans la craie : il passe d’un thalweg à l’autre en souterrain dans la craie et franchit les vallées par des siphons ou des arcades. A Moret il traverse le Loing par un grand siphon de 9357 mètres de longueur et 43 de flèche et s’engage dans les sables de la forêt de Fontainebleau où il suit un long ravin d’origine diluvienne, puis il franchit l’Ecole par un siphon de 12225 mètres de long et 31 mètres de flèche, s’établit sur le plateau du Ilurepoix, traverse l’Essonne et l’Orge (longueur des siphons 1451 et 1972 mètres, flèches 3 4 et 45 mètres), rencontre des couches calcaires, puis des amas de meulière, un peu avant d’arriver à la Bièvre, qu’il traverse par une série d’arcades établies sur l’ancien aqueduc d’Arcueil à 38 mètres au-dessus de la val- lée ; une tranchée dans le calcaire grossier et une partie en relie 1 le conduisent enfin à Paris où il entre à côté de la porte d’Ar- cueil, après avoir traversé les départements de l’Yonne, de Seine- et-Marne, de Seine-et-Oise et de la Seine. La pente des parties en conduite libre est de 0,13 m. par kilomètre jusqu’au siphon de l’Orge et de o,io m. audelà. La section reste circulaire et présente successivement un diamètre de 2 mètres puis de 2,10 m. La charge des siphons est uniformément de 0,60 par kilomètre et ils sont composés de deux conduites de 1,10 m. de diamètre. ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ Arcades de Pont-sur-Yonne. (Vue d’ensemble.) Arcades de Pont-sur- Yonne, (vue de détail.) Le débit maximum est d’environ 120000 mètres cubes par 24 heures. BECHMANN. — Eaux de Paris. 8 114 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS La nécessité d’aboutir à l’altitude de 80 mètres n’a pas permis d’enterrer l’aqueduc de la Vanne comme celui de la Dhuis, car le sol était relativement bas dans un grand nombre de points : d’où la multiplicité des reliefs et des arcades qui atteignent un développement de 16000 mètres, contre 93 000 mètres de tran- chées, 41 900 de souterrains et 21 500 mètres de siphons. Les ouvrages d’art sont nombreux et importants : les princi- paux sont les grands pont-siphons de l’Yonne et du Loing, le pre- mier présentant 162 arches, dont une de 40 mètres, et 493 mètres de longueur, le second 53 arches et 584 mètres; les arcades du Grand Maître dans la forêt de Fontainebleau ; celles de Cour- couronnes, de Ris-Orangis ; celles de la Bièvre superposées a Arcades d’Arcueil. l’aqueduc d’Arcueil ; la passerelle métallique a la traversée des marais de l’Essonne; les traversées des chemins de 1er du Bour- bonnais à Moret, de l’Orléans à Savigny-sur-Orge, etc. Comme sur l’aqueduc de la Dhuis, des regards de visite sont établis tous les 5oo mètres ; mais de distance en distance on a ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ 115 établi des regards de plus grande dimension permettant l’intro- duction d’un batelet dans lequel deux hommes peuvent se laisser descendre au fil de l’eau pour vérifier l’état d'entretien des con- duites libres. Les têtes de siphons sont pourvues d’appareils per- mettant l’isolement des deux conduites; on a établi au voisinage des déversoirs de superficie pour régler le plan d’eau ; au bas des siphons des regards de décharge. Les maçonneries ont été exécutées en amont en silex, avec mortier de ciment de Vassy, en aval vers Paris en meulière avec le même mortier, les voûtes recouvertes d’une chape, les parois intérieures d’un enduit monté jusqu’au-dessus du plan d’eau fixé ii 1,30 m. de hauteur. Dans la partie centrale et en particulier dans la traversée de la forêt de Fontainebleau, où la pierre faisait défaut, en béton aggloméré Coignet, composé de sable ou de sablon, de chaux et de ciment. L’épaisseur des maçonneries, de 0,28 m. aux naissances, est réduite à.0,24 à la clé. Certains siphons, exécutés en béton par raison d’économie, ont donné lieu a des ruptures fréquentes et à des réparations difficiles, on les a presque tous remplacés ou doublés par des files de tuyaux semblables à ceux employés pour la majeure partie de ces ouvrages, c’est-à-dire en fonte à emboîtement et cordon et joints au plomb. Les faibles épaisseurs de maçonnerie maintenues dans les reliefs et sur les arcades, ont eu pour conséquence des fissures graves par suite des différences de température entre l’intérieur et l’extérieur provenant de la constante fraîcheur de l’eau, il en est résulté des écoulements d’eau abondants et la désagrégation en beaucoup de points du sol de fondation. On y a successivement remédié en recouvrant les voûtes d’une couche de terre gazonnée maintenue entre deux murettps garnies de lierre, reprenant les fondations avariées, et doublant intérieurement l’aqueduc au- dessus de certaines arcades, notamment celles de la Bièvre, d’une feuille mince de plomb (0,002 m.) destinée à assurer l’étanchéité 116 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS et dont les expériences de Schutzenberger en 1887 ont démontré la complète innocuité. Les travaux, commencés en 1867, furent malheureusement interrompus par la guerre de 1870-71. Repris en 1872, ils ont été terminés seulement en 1874. L’eau de la Vanne est arrivée pour la première fois à Paris le 12 août 1874, mais le service fut intermittent et irrégulier jusqu'au 11 avril 1875, date à partir de laquelle il est devenu définitif et ininterrompu. Certains ouvrages n’ont été exécutés que plus tard : L’aqueduc du Maroy, l’usine à vapeur de Laforge en 1882. La dérivation de Cochepies et l’usine de Maillot en 1885. La dépense totale, y compris les travaux complémentaires et de parachèvement, s’est élevée à la somme de 43 000 000 de francs. 3. Dérivation de l’Avre. — Désignée officiellement sous le vocable de dérivation des sources de la Vigne et de Verneuil, mais plus connue sous la dénomination habituelle et courante, la dérivation de T Apre a été déclarée d’utilité publique le 5 juillet 1890, non plus par un décret comme les deux précédentes, mais par une loi qui a donné lieu à d’importantes discussions à la Chambre et au Sénat, sur les rapports de MM. Gadaud et Berger députés et Cornil sénateur, et dont un article formel a expressé- ment imposé à la ville de Paris l’obligation d’indemniser tous les usagers. Les sources appartenaient à la ville de Paris depuis 1885 : elles avaient fait l’objet de traités amiables passés durant l’été de 1884 et approuvés par le Conseil municipal le 28 janvier 1885. Une seule est dans la vallée de l’Avre propremement dite, celle du Breuil, la plus rapprochée de la ville de Verneuil (Eure) et sur son territoire. Les autres forment un groupe compact qui donnait naissance à un petit affluent de la rivière d’Avre, débouchant dans cette rivière à 1 400 mètres à l’aval, et dont le ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ débit était assez abondant (1 ooo à i 500 litres par seconde) mais le parcours insignifiant (1 8oo mètres seulement) : elles émergent sur le territoire de la commune de Rueil-la-Gadelière (Eure-et- Loir) ; elles étaient désignées sous les noms des sources du Carte des sources. 4, Nouvet; B, Erigny ; C, Graviers; D. Foisys ; E, Breuil. Nouvel, d'Erigny, des Graviers et des Foisys. Ces sources, on le voit, sont a cheval sur les limites de deux départements qui se trouvent coïncider dans cette région avec celles des anciennes provinces de Normandie et d’Ile-de-France, ce qui explique dans une certaine mesure qu’elles aient échappé malgré leur altitude relativement élevée (156 à 147 mètres) à l’inventaire si conscien- cieux dressé par Belgrand des sources pouvant être conduites à Paris. Elles jaillissent de la craie turonienne qui forme une assise puissante entièrement recouverte par les argiles à silex, au pied d’un vaste plateau cultivé mais à population très clairsemée, qui s’étend à l'ouest et au sud-ouest jusqu’à la forêt du Perche et oii l’on distingue deux zones successives, l’une très peu perméable, parsemée d’étangs et parcourue par un assez grand nombre de petits cours d’eau pérennes ou éphémères, l’autre au contraire 118 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS extrêmement perméable et où les lits des cours d’eau sont habi- tuellement à sec. Leur altitude, très supérieure à celle des sources de la Dhuis et de la Vanne, leur distance moindre (100 kilomètres à vol d’oiseau), permettaient de les amener aisément à Paris par la gravité seule. Mais l’extension donnée aux irrigations dans la vallée de l'Avre, où l’on compte environ 900 hectares de prairies abondamment arrosées, l’importance de l’industrie dans cette vallée et dans celle de l’Eure où elle débouche, l'existence de grands établissements, filatures, papeteries, tréfileries, utilisant la force hydraulique, devaient par contre motiver l’allocation d’indemnités considérables. Captages. — Avant le captage, les sources du Nouvet et du Breuil, relevées par des barrages, s’épanchaient à la surface du sol et formaient au pied des coteaux de rive gauche de la Vigne et de l’Avre des étangs recouverts d’herbes aquatiques, où l’on distinguait mal les émergences ; celle des Graviers, située dans le fond de la vallée de la Vigne, formait au contraire un très petit bassin où à travers une nappe d’eau d’une admirable limpi- dité, on voyait l’eau sourdre à travers le fond et soulever inces- samment les graviers ; celle des Foisys sise à peu de distance présentait un aspect analogue ; enfin celle d’Érigny sortait d’un coteau latéral, vers la gauche de la vallée de la Vigne, au milieu d’un bois touffu et verdoyant. On a employé pour les capter les mêmes procédés et les mêmes précautions que pour les sources de la Dhuis et de la Vanne ; les barrages du Nouvet et du Breuil ont été ouverts, les étangs supprimés, les bassins sourciers nettoyés, assainis, appro- fondis ; les émergences enfermées dans des chambres ou des galeries visitables, voûtées et recouvertes de terre gazonnée, dont les maçonneries de pourtour ont été descendues à l’aide d’épuisement jusqu’au terrain solide; le plan d’eau, un peu ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ 119 abaissé, a été réglé partout à un niveau supérieur à celui des eaux superficielles voisines; la source du Breuil, très voisine de Source des Graviers. (Avant et après captage.) la rivière d’Avre, a été en outre défendue par une digue en argile. 1'20 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS On a prétendu récemment que ces précautions ne seraient pas suffisantes et qu’il eût fallu faire des épuisements plus profonds, Source d’Èrigny. (Avant et après captage.) asseoir les maçonneries des ouvrages dans la craie compacte, et pour cela traverser toute l’épaisse couche de conglomérats rema- ALIMENTATION DU SERVICE PRIVE 12 I teneur en sels calcaires diminue légèrement niés qui la recouvre. De la composition des eaux captées, un peu plus variable que celle des sources de la Vanne, et où la dans les périodes pluvieuses tandis que la richesse en nitrates augmente, on a inféré que les sources, en partie alimentées par les eaux des petits cours d’eau qui se perdent sur le plateau, dont une partie disparait dans des gouffres apparents appelés bétoires et dont le cheminement souterrain est marqué à la surface du sol par des effondrements appelés mardelles, seraient exposées de ce fait dans certaines circonstances à des contaminations lointaines. Déjà le département de l’Eure a fait obturer certains bétoires , des expériences ont été entreprises, un régime de surveillance organisé, des mesures de protection préparées. L’eau des sources de l'Avre, aussi limpide en temps normal que celles de la Dhuis et de la Vanne, se trouble un peu plus que cette dernière, à peu près aussi souvent que la première. En pareil cas on met en décharge celles des sources où ce phé- nomène se produit, et le surplus seul est dirigé dans l’aqueduc. Le débit qui s’élève jusqu’à 120 000 mètres cubes par jour dans les périodes humides, se tient normalement entre ioo ooo et <8o ooo mètres cubes mais à la suite de sécheresses prolongées, il s’abaisse dans une forte proportion et tombait à l’automne de 1899 a 52 ooo mètres seulement. La Ville a d’ailleurs été obligée d’établir à l’origine de l’aqueduc un bassin de jaugeage, avec échelle visible du dehors, et un déversoir automatique, afin de garantir aux usagers que le volume dérivé ne dépasse jamais le maximum autorisé de i 280 litres par seconde, soit 110 ooo mè- tres cubes par jour. AQUEDUC. — Les aqueducs secondaires, qui présentent un dé- veloppement de 3 165 mètres pour les sources de la Vigne et i 400 mètres pour celle du Breuil, soit ensemble 4 565 mètres, convergent non loin du confluent des deux vallées, en tête de 122 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS l’aqueduc principal, qui, de son origine à son débouché au réservoir de Montretout (Saint-Cloud), présente une longueur totale de 102 kilomètres à travers les deux départements d’Eure- et-Loir et de Seine-et-Oise. Le tracé de l’aqueduc principal, qui s’écarte peu de la ligne directe entre les points de départ et d’arrivée, s’engage après avoir suivi sur 4 kilomètres la rive droite de l'Avre, sous les plateaux crayeux qui limitent ce côté de la vallée, traverse près de Dreux la vallée profonde de l'Eure, au moyen d’un grand siphon de i 708 mètres de longueur et 56 de flèche, et se développe ensuite presque constamment en tranchée sur les hauts plateaux qui s’étendent entre l’Eure et Versailles, traversant successivement la Vesgre et la Mauldre ; puis, se jetant sur la gauche pour éviter le parc de Versailles, il gagne par des souterrains profonds, percés dans les couches tertiaires recouvertes par les sables supérieurs, le territoire de Saint-Cloud où il débouche à l’entrée même du réservoir. Le radier de l’aqueduc est au départ à l’altitude de 145,03 m. et à 105,65 m. à l’arrivée, soit une chute totale de 39,38, rela- tivement considérable, qui a permis d’adopter des pentes plus fortes que dans les deux dérivations antérieures et de réaliser par suite une capacité de débit plus élevée avec des sections réduites. Sur les dix-neuf premiers kilomètres la pente est de 0,40 m. par kilomètre, et la section circulaire de 1,70 m. de diamètre ; sur le reste du parcours le diamètre est porté à 1,80 m. et la pente s’abaisse à 0,30 m. Quant aux siphons, uniformément constitués par deux conduites de i mètre de diamètre, ils sont calculés pour fonctionner sous une charge de 1,20 m. par kilo- mètre. Dans ces conditions le débit peut atteindre 150000 mè- tres cubes par jour. D’ailleurs les circonstances topographiques ont permis de sup- primer presque totalement les reliefs et les longues séries d’ar- cades, dont la dérivation de la Vanne avait montré les inconvé. ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ 123 nients, et de revenir au type d’aqueduc appliqué pour l’adduction de la Dhuis, à peu près constamment enterré et dépourvu d’ou- vrages d’art apparents. Il convient de mentionner cependant le pont-siphon de l’Eure, constitué par des arcades qui supportent sur 750 mètres de longueur les deux files de tuyaux. Quant aux Vue d’ensemble du siphon de l’Eure. siphons proprement dits, ils sont au nombre de 9 seulement pour une longueur développée de 7 480 mètres : après celui de l’Eure, les plus importants sont ceux de la Vesgre (longueur 2 158 mètres, flèche 35 mètres) et de la Mauldre (longueur 922 mètres, flèche 60 mètres). Il y a enfin 25 460 mètres de sou- terrains. Les maçonneries, comme aux deux autres aqueducs, ont reçu de très faibles épaisseurs et sont composées de petits matériaux hour- dés au mortier de ciment : cette fois le ciment de Portland a été employé de préférence, avec des silex dans la partie amont, de la meulière dans la partie aval. Les enduits intérieurs sont limi- tés encore au périmètre mouillé et la maçonnerie brute reste 124 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS apparente à l’intrados de la voûte. Les tuyaux qui constituent les siphons sont en fonte à emboîtement et cordon : ils sont assemblés au moyen de joints au plomb et à la corde goudronnée. Regards ordinaires et à bateau, déversoirs, décharges, têtes de siphons, présentent des dispositions tout a fait analogues à celles adoptées antérieurement. Les travaux, menés très rapidement, ont été terminés en moins de trois années, puisque la cérémonie d’inauguration a pu avoir lieu à Saint-Cloud le 31 mars 1893 : ils se sont fort peu écartés du projet primitif dressé en 1885 sous les ordres de Couche, Ingénieur en chef, par M. Bechmann, Ingénieur ordinaire ; la direction en était confiée à MM. Humblot, Ingénieur en chef, Ceslain, Legoûez et Renaud, ingénieurs ordinaires. La dépense en a été grossie considérablement par l’allocation aux usagers des vallées de l'Avre et de l’Eure d’indemnités, qu’un syndicat formé entre les intéressés s’est efforcé de porter à un taux extrê- mement élevé, qui ont donné lieu par suite à de longues négo- ciations ainsi qu’à des instances encore pendantes devant les tri- bunaux administratifs et dont un certain nombre n’ont pu encore être liquidées : dès à présent les crédits absorbés, y compris ceux affectés au réservoir de Montretout, dépassent 36 millions de francs. 4. Dérivation du Loing et du Lunain. — La ville de Paris possé- dait depuis plusieurs années déjà la source de Villemer, tribu- taire du Lunain, lorsqu’en 1881 elle acquit dans la même vallée un groupe de sources dont la plus importante était désignée sous le nom de Fontaine Saint-Thomas. En 1884, plusieurs sources de la vallée du Loing, parmi lesquelles celles de Chain- tréauville et de la Joie, près de Nemours, déjà reconnues et signalées par Belgrand, furent achetées à leur tour, en même temps que celles de l’Avre, de la Voulzie et du Durteint, de la haute vallée de la Seine, etc., à la suite de reconnaissances ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ 125 hydrologiques dirigées de 1881 à 1884 dans tout le bassin de la Seine, par MM: Couche, Ingénieur en chef et Bechmann, Ingé- nieur ordinaire. Le Conseil municipal en décida l’adduction à Paris le 23 novembre 1892, avant même que l’eau de l'Avre y eut été amenée. Mais le projet ne fut approuvé qu’à la fin de 1895 et la loi déclarative d’utilité publique n’intervint qu'après une longue instruction parlementaire le 21 juillet 1897, sur les rap- ports de MM. Berger à la Chambre et Gadaud au Sénat. Les sources. — Les sept sources dérivées sont toutes situées dans le département de Seine-et-Marne (cantons de Nemours et de Moret) : six d’entre elles émergent sur le fond plat des larges Carte des sources. A, Chaintréauville ; B, La Joie; C, Le Sel : D, biglions de Bourron ; E, Fontaine Saint-Thomas; F, Lignons du Coignet; G, Villemer. vallées qu’arrosent le Loing, affluent de rive gauche de la Seine qui s’y jette à Saint-Mammès, et le Lunain, affluent de rive droite du Loing qui y aboutit non loin d’Episy ; la septième, celle de Villemer, marquait l’origine d’un vallon latéral à la vallée du Lunain, où elle donnait naissance à un rù qui formait un peu 126 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS plus bas l’étang de Villeron. Réparties sur une longueur d’en- viron 25 kilomètres, elles forment deux groupes bien distincts : celui du Loing, qui se subdivise lui-même en deux parties, 1 une en amont de Nemours comprenant les sources de Chaintréauville et de la Joie, l’autre entre Grez et Montigny, plus bas dans la vallée, où viennent au jour les bignons de Bourron et la source du Sel; et celui du Lunain, formé de la source de Villemer, de la fontaine Saint-Thomas et des bignons du Coignet. Elles sortent uniformément de la craie sénonienne qui affleure au sud-est du département de la Seine-et-Marne, vers la limite de celui de onger sous les terrains tertiaires inférieurs l’Yonne, avant de pl du bassin de Paris. Leur débit, relevé par des jaugeages continués sans interrup- tion depuis 1893, est moyennement de 50000 mètres cubes et se répartit à peu près également entre les deux groupes, 26000 mè- tres cubes pour celui du Loing et 24 000 pour celui du Lunain. La limpidité, la fraîcheur, la composition chimique et la teneur bactériologique de leurs eaux, les rapprochent de celles des sour- ces de la Vanne. Malheureusement elles ne sont pas assez hautes pour qu’on puisse les dériver sur Paris par l’action de la gra- vité : les plans de captage varient de 67 à 53 mètres au-dessus de la mer, de sorte qu’il faut les relever de 40 mètres environ pour les amener à l’entrée de la forêt de Fontainebleau au niveau de l’aqueduc de la Vanne, auquel l’aqueduc duLoinget du Lunain est accolé à partir de ce point et qu’il suit jusqu’à Paris pour aboutir également au réservoir de Montsouris. Par contre elles n’étaient que fort peu utilisées pour les usages industriels ou agricoles, ce qui explique l’absence presque com- plète d’opposition aux enquêtes. Sauf celle de Villemer qui arro- sait quelques prés sans importance, aucune n’est employée aux irrigations, et toutes se jettent directement dans les cours d’eau sans chute utilisable. Il n’y a d’ailleurs sur les deux rivières au- dessous des évacuateurs de ces sources , qu’un petit nombre ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ 127 d’usines, deux sur le Lunain, huit sur le Loing, dix en tout, dont six ont été acquises par la \ ille de Paris et dont deux n’éprouveront aucune diminution de force motrice. Deux des sources du Loing, il est vrai, Chaintréauville et la Joie, contri- buent à l’alimentation d’un des biefs du canal de navigation du Source de Chaintréauville. (Avant captage.) Loing qui relie la Seine à la Loire ; et, pour compenser la perle résultant pour le canal du détournement de leurs eaux, la loi du 21 juillet 1897 a prescrit l’exécution aux frais de la Ville de divers travaux, parmi lesquels l'étanchement du barrage de Saint- Mammès et l’aménagement d’une réserve d’eau qui sera cons- tituée désormais par l’étang de Villeron. 128 LES EAUX ET L ASSAINISSEMENT DE PARIS Captages. — La source de Chaintréauville émergeait au pied du coteau de rive gauche du Loing, sous de beaux ombrages, au milieu de blocs de grès, dans un site pittoresque qu’on s’est efforcé de respecter lors des travaux de captage ; celle de la Joie au pied du même coteau était enfermée dans les dépendances d’un ancien couvent transformé en propriété d’agrément : toutes deux sont défendues contre les crues de la rivière par les rem- blais du canal, et la craie se trouve presque au niveau du sol, de sorte qu’on a pu sans difficultés sérieuses et au moyen d’épuise- ments d’importance restreinte, les enfermer dans des galeries voûtées dont les dispositions rappellent celles des sources de la Vanne et de l'Avre. La situation était encore plus favorable à Villemer où l'on n’était pas gêné par la proximité du canal de navigation : par contre le voisinage, d’une agglomération de 500 habitants et la crainte des contaminations qui pouvaient en résulter a conduit à s’enraciner plus profondément dans la craie où l’on a mis a jour une fissure très nette, que recouvre désormais la galerie de captage. Le travail a été plus difficile aux autres sources qui traversaient avant l’émergence d’épaisses couches de gravier et de tourbe, et où, pour éviter des critiques analogues à celles qu’on a rela- tées au sujet des sources de l’Avre, on s’est imposé de traverser entièrement ces couches perméables, ainsi que la craie remaniée à laquelle elles sont superposées, pour descendre les parois des ouvrages jusque dans la craie compacte. A Bourron, quelques forages d’essai ont rencontré l’eau jaillissante, de sorte qu’au moyen de tubes métalliques étanches, de 17 à 18 mètres de lon- gueur, on a pu recueillir assez aisément tout le produit de la source du Sel ; le même procédé a donné aussi les meilleurs ré- sultats à peu de distance pour les bignons de Bourron. A la fon- taine Saint-Thomas et aux bignons du Coignet, où la craie était à une profondeur moindre, on est parvenu a descendre, à l’aide ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ d’épuisements prolongés au moyen de pompes exceptionnel- lement puissantes, deux puits circulaires en maçon- nerie jusque dans la craie en place, et à dégager de la sorte les fissures d’où s’échappaient les eaux ; il a suffi ensuite d’étancher les maçonneries au moyen d’un enduit de ciment et de recouvrir les puits de pavillon voûtés et envelop- pés de terre gazonnée pour réaliser des ouvrages tout à fait satisfaisants. Aqueducs SECONDAIRES. — Les eaux des diverses sources sont réunies par des aqueducs secondaires, divisés en deux branches, qui suivent respectivement les vallées du Loing et du Lunain et aboutissent tous deux à l’usine élé- vatoire construite au ha- meau de Sorques, dépen- dant de Montigny-sur- Loing. La branche du Loing a Coupe sur AOB du plan Plan Fontaine Saint-Thomas. (Pavillon de captage.) une longueur totale de 14 700 mètres, sa pente n’est guère que de 0,10 m. par kilomètre. Elle se développe entre la rivière et le chemin de fer du Bour- BECHMANN. — Eaux de Paris. 9 130 LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS bonnais, contournant la ville de Nemours à i kilomètre environ de son origine, s’établissant ensuite sous un des accotements de la route nationale n° 7 jusqu’à Hulay, puis se tenant assez près du Loing jusqu’à Sorques, en traversant les agglomérations de Grez et de Montigny. Elle est formée dans la partie amont, sur 5 kilomètres environ à partir de Chaintréauville, par une conduite en fonte de 0,80 m. de diamètre avec joints en plomb, qui fonc- tionne comme aqueduc libre : ce type a dû être choisi pour mettre l’eau de source à l’abri de toute infiltration de la nappe qui se trouve à faible profondeur et qu’on a rencontrée dans les tran- chées. Au delà une paierie maçonnée de section ovoïde et de O i 854 m. sous clé a été établie tantôt en tranchée, tantôt en sou- terrain, sans présenter de particularités autres que l’extrême dureté des bancs de calcaire siliceux de l’étage Indien ou barto- nien, à travers lesquels le déblai a dû être effectué par places et notamment dans la rue principale du bourg de Montigny où il a fallu, malgré la multiplicité des points d’attaque, recourir pen- dant de longs mois à l’emploi de la dynamite. La source de la Joie est jetée par une conduite en fonte de o,4o m. de diamètre, dans la conduite de 0,80 m. à peu de distance de Chaintréau- ville, celles de Bourron et du Sel sont amenées également par des conduites en fonte au voisinage de la galerie maçonnée, mais à un niveau trop bas pour qu’on puisse les y écouler direc- tement ; pour les relever de la hauteur nécessaire (1,22 m.) on a eu soin de ménager sur le profil en long de l’aqueduc secon- daire une chute de 1,74 m. qui fournira la force motrice à une petite usine élévatoire dont le mécanisme se compose de deux roues à aubes, l’une motrice, l’autre élévatoire, combinaison de meilleur rendement que celle utilisée dans un cas analogue à la petite usine de Flacy, sur la dérivation de la Vanne. La branche du Lunain, qui a son origine aux bignons du Coignet, a une longueur totale de 3 700 mètres seulement, et des pentes variables mais supérieures à celle de la branche du Loing; ALIMENTATION DU SERVICE PRIVÉ elle reçoit au passage, à peu de distance de son origine, les eaux de la fontaine Saint-Thomas, et 400 mètres plus loin celles de la source de Villemer que lui amème un petit aqueduc à forte Coupe transversale Coupe longitudinale Usine hydraulique pour le relèvement des sources de Bourron. (Coupes.) pente (0,60 à 2 m. par kilomètre) formé de tuyaux en béton moulé de 0,60 à 0,70 m. de diamètre. Etablie au départ dans une prairie tourbeuse, cette branche est d’abord construite en tuyaux de fonte ; plus loin c’est une galerie maçonnée du même type que celle du Loing ; à partir du village d’Episy et pour franchir la dépression où se trouvent le canal du Loing et la rivière elle- même, celle galerie est remplacée par une longue conduite forcée, en fonte sur la majeure partie de son parcours, en acier à la tra- vçrsée des cours d’eau. USINE ÉLÉVATOIRE. — L’usine a été construite en bordure du chemin de grande communication n° 148, de Moret à Nemours, au point de réunion des deux aqueducs secondaires. Les bâtiments qui abritent machines et générateurs couvrent LES EAUX ET L’ASSAINISSEMENT DE PARIS 132 une surface de 36,50 m. de long sur 22,70 m. de large. Les en- gins élévatoires sont au nombre de quatre, et chacun d’eux com- prend un moteur horizontal monocylindrique, genre Corliss, à quatre distributeurs circulaires, et un double corps de pompe à Usine élévatoire de Sorques. (Plan.) piston plongeur du type Girard; quatre chaudières semi-tubu- laires, timbrées à 6 kilog. fournissent la vapeur nécessaire. L’en- semble est capable d’élever 700 litres par seconde à 41 mètres de hauteur, de sorte que trois des quatre groupes identiques suffisent pour la marche normale et que le quatrième sert de rechange. Les dépendances comprennent un logement pour le mécani- cien, et un petit atelier de réparation. De petites turbines action- nées par l’eau du refoulement mettent en mouvement les ma- chines-outils et la dynamo qui assure l’éclairage électrique. Les pompes refoulent dans une conduite ascensionnelle en fonte de 1,10 de diamètre, à joints à emboîtement et au plomb, de 1,100 m. de longueur, qui aboutit à une bâche construite dans la forêt de Fontainebleau, au Long Rocher, à la cote 94,44 ALIMENTATION DU SERVICE PRIVE 133 Ol •S1 (2 StuROsuOIV op JtQAuosp JY JY uAorg erap uoipfrg AeHe[ op 2n09y SWIOSSg\p Sp uoydlg ^PS sz.zegzzep tzopeoua. 2LAY ounog 4 2DLy abuo.[ ADDy lZUOss./ 76w P nss( aube Juiei/2) opn09 abuo. [ Sp UOlfdtff • I 01 0l .S A I U2 ^JJLMV [05, [ upueUZE[®S er 2 2n09‘ steAneg 2p '^710 aope er op ^71° Ksioj^ap uoL[d suuoepjy-'P uoipL auty q ap yboy np mnog - . yoPg senbuogy 2 ^JIOJBAS^ UL72 22ouLay[ou anod 2872222 3-T P 2ny) zc oz suoub2g$27 'LLOaUTLOff op soounog g 8 0 •ta ‘d Ul d| & K I a[oog,[ op uoydtg xatrounul oponog— 2262010/ Sp UoYdIS Ti